Deux poids, deux mesures ? La porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères Maria Zakharova s'est émue dans un long message sur Facebook du silence des gouvernements occidentaux après une deuxième nuit de manifestation des représentants de la communauté chinoise à Paris, et de la dizaine d'interpellations qui a suivie.
Dans son message intitulé «Business as usual», elle compare leur absence de réaction aux cris d'orfraies qu'ils ont poussé seulement deux jours plus tôt, après les arrestations qui ont eu lieu lors des manifestations anti-corruption à Moscou.
Manifestations en Russie : condamnations unanimes
Les gouvernements occidentaux avaient en effet unanimement condamné la réaction du Kremlin. En tête de pont, le porte-parole du département d’Etat des Etats-Unis, Mark Toner, avait parlé d’«affront» à la démocratie. Il avait expliqué que Washington «suivait la situation», et avait appelé en toute simplicité le gouvernement russe «à remettre immédiatement en liberté les manifestants pacifiques».
Dans la même veine, le Royaume-Uni avait exprimé son «inquiétude», estimant que ces arrestation contrevenaient «aux engagements internationaux de la Russie à respecter les droits» de ses citoyens. Le secrétaire général du Conseil de l'Europe Thorbjorn Jagland avait pour sa part déclaré que la réponse russe posait question «dans le cadre de la Convention européenne des droits de l'homme», et l'UE avait demandé aux autorités russes de «libérer immédiatement» tous les participants interpellés.
La France n'avait pas été en reste. Le porte-parole du ministère des Affaires étrangères Romain Nadal avait fait part de la «vive préoccupation» de Paris, rappelant à la Russie que les libertés de manifestation et d'expression sont des libertés garanties par sa Constitution et font partie «des engagements internationaux auxquels elle a souscrit».
«La France appelle les autorités russes à respecter ces engagements», s'était-il même permis.
Manifestations à Paris : silence radio
Mais où est donc passée cette formidable capacité d'indignation, s'interroge Maria Zakharova, alors que la police française a tué dans des circonstances troubles le ressortissant chinois Shaoyo Liu, poussant des centaines de manifestants à défiler dans les rues de Paris, dont une dizaine a été interpellée : «A part le ministère des Affaires étrangères de la République populaire de Chine, aucune de ces institutions diplomatiques ne s'est inquiétée du respect des libertés et de la démocratie. Aucune déclaration des départements d'Etat, même écrite sans entrain, n'a été publiée».
Une hypocrisie également soulignée par le président de la commission des Affaires étrangères russe Alexeï Pouchkov, qui a partagé ses état d'âme sur Twitter : «On n'entend pas la voix indignée du département d'Etat [américain] condamnant les autorités de la France pour sa cruauté envers les manifestants. Et on ne l'entendra pas. "Fake valeurs"»
Le 26 mars, plusieurs milliers de personnes sont descendues dans les rues de Moscou et de plusieurs autres villes russes pour manifester contre la corruption. Toutes ces marches ont été organisées par des activistes liés à la Fondation anti-corruption, dont l’opposant Alexeï Navalny a pris la tête. Les autorités avaient interdit que ces manifestations se déroulent en certains endroits de la ville, et avaient proposé des lieux alternatifs. Mais les organisateurs ont refusé cette solution et ont préféré suivre leur parcours initial, défilant ainsi illégalement.
Dans ce contexte, la police moscovite a interpellé 600 individus, avant de libérer la plupart quelques heures plus tard. Alexeï Navalny a lui été condamné à 15 jours de prison et 20 000 roubles (352 euros) d'amende.