Un panneau de signalisation détourné de manière artistique a été repéré mercredi 15 mars près d'une synagogue dans le quartier de Stamford Hill, au nord de Londres où réside une importante communauté juive orthodoxe.
Sur le panneau, conçu par l'artiste parisien Franck Allais, on voit la silhouette d'un homme portant papillotes et fedora, une coiffe traditionnelle juive. Pour la communauté, c'est une caricature antisémite, ce que l'artiste dément.
«Le projet était de montrer des gens de tous horizons qui traversent la rue. Il visait à rappeler que chacun avait une identité. Ce n'était pas le seul panneau de la rue, j'en ai mis beaucoup d'autres. Il n'y a que celui-là qui a posé problème», s'est défendu l'artiste, assurant qu'il était «désolé si son œuvre avait offensé qui que ce soit».
En effet, d'autres panneaux ont également été installés dans les rues adjacentes. Ils montrent par exemple une femme tirant un chariot, un homme accoudé à un mur ou encore un autre dans un fauteuil roulant.
Excuses non acceptées
Mais le rabbin Hershel Gluck, président de Shomrim l'organisation communautaire juive du quartier, a déclaré au quotidien londonien Hackney Post qu'il n'acceptait pas les excuses de l'artiste. Pour lui les faits sont très graves et l'artiste ainsi que les gens en général devaient «toujours être attentifs aux conséquences que peuvent avoir leurs "soi-disant projets artistiques" lorsqu'ils stigmatisent une communauté en particulier».
«Les intentions de cet artiste n'étaient peut-être pas mauvaises, mais les conséquences sont bien plus importantes. Nous en avons discuté avec la police ce matin, et nous sommes convaincus que ce panneau devra être analysé par leurs soins», a déclaré le rabbin pour qui l'œuvre est «clairement hors la loi».
«L'histoire récente nous a montré comment de petits délits à priori sans gravité ont pu entraîner des choses beaucoup plus graves, menant jusqu'à l'holocauste», a a ajouté le rabbin Hershel Gluck à un journaliste de la BBC.
C'est un membre de Shomrim qui a signalé le panneau incriminé à la police, avant que ce dernier ne soit retiré sur décision du conseil municipal.
Barry Bard un autre responsable de Shomrim, a expliqué que même si la communauté juive était habituée aux agressions verbales et parfois physiques, ce panneau avait causé une indignation particulière chez ses membres car il était «évident» que son installation avait planifiée à dessein.
«Il est évident que la personne qui a installé ce panneau voulait causer la peine et l'indignation de la communauté juive qui réside dans le quartier», a-t-il estimé.
Les politiques témoignent de leur «dégoût» rappelant la hausse des crimes haineux de ces derniers mois
La députée du quartier, proche du ministre de l'Intérieur Diane Abbott a condamné l'installation la qualifiant de «répugnante» et «inacceptable».
Le député travailliste du quartier adjacent de Tottenham, David Lammy, a quant à lui évoqué une œuvre d'art «méprisable qui n'a pas sa place dans nos quartiers».
Une étude d'un mois sur Stamford Hill effectuée l'année dernière a enregistré 32 cas de comportement antisémite dans le quartier, dont un contre un garçon de huit ans qui a été agressé en rentrant chez lui.
Le maire de Londres, Sadiq Khan, qui se targue d'appliquer une politique de «tolérance zéro» en ce qui concerne les crimes de haine, s'est engagé à organiser des pourparlers urgents entre la police et le groupe de surveillance juif de Stamford Hill suite à cette montée de colère.
Cette émotion pour l'installation par un artiste d'un panneau de signalisation détourné se manifeste dans un contexte particulier. Les chiffres de la Police métropolitaine montrent, en effet, que Londres a connu une hausse fulgurante des crimes de haine au cours de la dernière année. Les agressions racistes ont elles connu une augmentation de près de 20% entre 2015 et 2017.