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Qu'en est-il des droits des femmes en Russie ?

La cause de Rosa Luxembourg et Clara Tsetkine est-elle toujours d'actualité en Russie ? Même si ce sont les fleuristes qui profitent le plus du 8 mars, jour férié depuis les années 1960, cette fête reste un incontournable pour la population russe.

«Tu veux que tes copines t'envient ou bien tu as envie de rendre ton copain jaloux ? Rien de plus facile ! La location d’un bouquet de 101 roses ne te coûtera que 1000 roubles [16 euros environ] et tu auras dix minutes pour faire autant de selfies que tu veux !», expliquait une petite publicité russe diffusée sur Instagram à la veille de la Journée de la femme. Oubliés (ou presque) la parité homme-femme, le combat pour l'égalité des droits, la quête d’un bouquet parfait prédomine, surtout au sein de la gent masculine. Le 8 mars s'est pratiquement métamorphosé en un 14 février bis, même si le portrait de Rosa Luxembourg fait de temps à autre surface sur les réseaux sociaux.

Ce n’est pas que le féminisme n’ait pas d'adeptes en Russie. Les femmes russes ont simplement une perception différente du combat pour l'égalité des droits. Et c’est l’héritage soviétique qui pèse sur elles. Les acquis du système soviétique ont de quoi impressionner : les femmes ont eu le droit de vote en 1917 (merci la Révolution) alors qu’en France elles ne l'ont obtenu qu’en 1944. Le droit à l’avortement a été reconnu en 1920 par le pouvoir soviétique (les femmes et les hommes construisaient le communisme à armes égales) alors qu'en France, Simone de Beauvoir n'a appelé à la légalisation de l’avortement que 50 ans plus tard, dans le «Manifeste des 343». 

Première femme-cosmonaute, des femmes pilotes, des femmes polaires et bien d’autres premières encore. Mais c’est la Seconde Guerre mondiale qui a principalement «contribué» à l’émancipation des femmes. La plupart des hommes étant partis combattre au front, les femmes sont restées dans les usines pour fabriquer les chars et les armements dont l'armée avaient besoin. Après la guerre et ses 27 millions de morts, des hommes à une majorité écrasante, c’est une nouvelle fois sur les épaules de femmes que la tâche de reconstruire le pays est retombée.

A tel point que l'image de «femme forte» dont bénéficie la femme russe est encore bien ancrée dans la société d'aujourd’hui. Selon un rapport de la société d’audit Grant Thornton datant de mars 2017 «Women in business», la Russie arrive en première position mondiale des pays où les femmes occupent des postes haut-placés. 47%, soit une progression de 7 % par rapport à 2015. La France ne figure pas dans les top 6. 

La législation actuelle interdit à un employeur de licencier une femme durant son congé maternité, qui légalement, dure jusqu’à ce que son enfant ait atteint l’âge de trois ans. S’il s’agit d’une mère célibataire elle est «intouchable» jusqu’à ce que sa progéniture ait atteint l’âge de 14 ans. 

L'idéal soviétique de la femme-directrice d’usine, comme dans le film soviétique oscarisé Moscou ne croît pas aux larmes, qui arrive à élever ses enfants tout en maintenant sa maison propre et ordonnée pèse beaucoup sur les femmes russes d'aujourd’hui. C'est pour toutes ces raisons que se glisser dans la peau d'une «femme fragile», au moins une journée durant l’année, et se pavaner avec un bouquet loué ou acheté lors de la journée du 8 mars, reste inéluctable pour une femme dans la Russie d'aujourd'hui.