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Dans la guerre contre les djihadistes, c'est «un de perdu, dix de retrouvés»

Apres la mort du chef d'AQPA, les Etats-Unis se penchent désormais sur un redoutable fabricant d'explosifs, inventeur de l'underwear bomb et qui serait «le vrai danger». Et si les attaques de drones étaient finalement complétement inéficaces ?

Hier dans une vidéo de 10 minutes, Al-Qaïda dans la péninsule arabique (AQPA) a confirmé que son chef, le «brave commandant» Nasir al-Wuhayshi (comme l'appellent ses subordonnés) avait été tué dans un raid de drone américain la semaine dernière. 

La Maison Blanche s'est empressée de claironner la mort de al-Wuhayshi, recherché depuis des années par Washigton, comme une réalisation particulièrement importante. Le porte-parole du Conseil national de sécurité Ned Price a notamment affirmé hier que la mort du chef d'Al-Qaïda au Yemen était «un coup majeur à AQPA et à Al-Qaïda de façon plus générale» . 

Pourtant, il en faut plus pour atteindre Al-Qaïda. Immédiatement après la mort de al-Wuhayshi, les services secrets américains se sont penchés sur celui qui pourrait désormais se révéler être le vrai danger : un fabricant d'engins explosifs mystérieux et insaisisable, Ibrahim al-Asiri. 

Désormais, le plus dangereux, c'est lui

Car le commandant al-Wuhayshi était apparemment un enfant de coeur comparé à Ibrahim Al-Asiri, un ancien chimiste saoudien passé maître dans la confection d'engins explosifs aux effets dévastateurs et surtout indétectables ni par les chiens ni par les portiques de sécurité. Un responsable américain a déclaré mardi, qu'en dépit de multiples tentatives américaines de le tuer, al-Asiri était probablement toujours vivant. 

L'ancien chimiste passé à l'islamisme radical avait en 2009 déjà, presque réussi à faire exploser un avion de ligne en plein vol au dessus de de la ville de Détroit grace à un dispositif explosif indétectable élaboré par ses soins. Caché dans les sous-vêtements d'un équipié kamikaze, le dispositif était composé d'un paquet de poudre censée exploser une fois injectée dans une seringue d'acide. Si la bombe n'a pas fonctionné, les services secrets demeurent abasourdis par le fait qu'elle n'ait été à aucun moment détectée, malgré les mesures de sécurité drastiques propres aux aéroports américains.

Ainsi, selon la CIA, le chimiste saoudien serait «le meilleur» et surtout le plus dangereux car, en plus d'échapper à la CIA et au Joint Special Operations Command (forces spéciales), il continuerait d'exceller dans son travail en formant désormais des hommes à ses techniques de fabrication d'engins explosifs ultra sophistiqués capables de contourner les technologies de dépistage occidentaux. 

Et il faut dire qu'al-Asiri est doué : les responsables du renseignement américains lui imputent plusieurs tentatives d'attentas déjoués au dernier moment. Il avait, par exemple, déjà réussi à envoyer des bombes à des organisations juives de Chicago aux Etats-Unis via des avions cargo. S'ils ont finalement été interceptés en Grande Bretagne et à Dubaï, les responsables occidentaux sont restés bouche bée lorsqu'ils ont constaté que les explosifs avaient été cachés à l'intérieur de cartouches d'encre d'une imprimante Hewlett-Packard, ce qui les rendait parfaitement indétectables. 

Et les compétences de al-Asiri ont continué à s'améliorer. En Juillet 2013, le chef de l'Agence nationale américaine de sécurité dans les transports John Pistole, avait rendu une description exceptionnellement détaillée d'une «underwearbomb» conçue par al-Asiri et visant à abattre un avion de ligne américain le jour du premier anniversaire de la mort d'Oussama ben Laden. L'attentat avait été déjoué à l'aide d'un informateur de l'AQPA et la bombe avait ensuite été saisie et méticuleusement étudiée par la CIA.

Cela fait des années que les Etats-Unis essayent d'abbattre al-Asiri, en vain. Tous les rapports répétés sur sa mort présumée se sont révélés être soit totalement faux, soit grandement exagérés. En 2011, des responsables américains anonymes avaient affirmé à tort qu'il avait été tué dans une attaque de drone en même temps que le propagandiste d'Al-Qaïda, le citoyen américain Anwar al-Awlaki. En 2014 , un haut responsable yéménite a déclaré à la chaîne CNN que al-Asiri avait trouvé la mort dans une fusillade avec des commandos yéménites. Un rapport qui s'est également révélé totalement faux.

Les drones ont beau pilonner, les terroristes courent toujours

De nombreux experts en la matière estiment par ailleurs que les campagnes de raids de drone américains contre les organisations terroristes se sont révélées être un échec. C'est ce qu'a affirmé notamment l'universitaire Max Abrahms interrogé par RT.com en avril dernier. Pour lui, les raids de drone créent l'illusion que les Américains peuvent s'engager dans la lutte contre le terrorisme sans subir de pertes humaines, alors que la solution susceptible d'endiguer ne serait-ce qu'un peu le problème djihadiste, serait une opération de grande envergure sur le terrain stratégique où les organisations agissent. 

Si les frappes de précision opérées par des technologies ultra-sophistiquées, comme ces drones à la précision et à la force destructrice redoutables, s'avèrent finalement peu efficaces pour endiguer les groupes extremistes, c'est que ces derniers répondent à un fonctionnment très complexe et à une structure qui va bien au-delà de la simple pyramide hierarchique qu'il suffirait de briser pour faire s'écrouler tout l'édifice. 

Ainsi, si l'élimination d'un chef d'état hostile et indésiré permet de prendre les rênes d'un pays afin de le restructurer, tuer un haut responsable d'une organisation djihadiste par un raid de drone ne fait que retarder le problème. 

Dans une interview à CNN, un combatant de Daesh sous le pseudonyme de Abu Talha, avait expliqué que si les frappes de drones contre des figures importantes de Daesh peuvent affaiblir le groupe djihadiste pour une courte période, elles ne pourront en aucun cas mettre un terme à la mission suprème de Daesh, celle de créer un Etat islamique dans certaines régions sunnites de la Syrie et de l'Irak.

Car quitte à parfois se combattre les uns les autres (désaccords théologiques et luttes pour le prestige aidant), les organisations djihadistes telles que Daesh, Al-Qaïda, les Talibans ou Boko Haram, qui, au-delà d'un chef suprême jouissant d'un culte de la personnalité, n'ont pas de réelle structure hiérarchique, sont surtout toutes portées par une idéologie générale de lutte contre l'Occident.

Et c'est justement cela qui les rend finalement si difficiles à atteindre. Faire exploser un hangar avec cinq figures importantes de telle ou telle organisation ne sera pas suffisant pour endiguer la soif de vengeance de milliers de combattants djihadistes dont la lutte contre l'Occident et sa vision du monde constitue le but ultime.

En octobre dernier, un article du Guardian avait mis en lumière la déception des combatants kurdes de Syrie qui, dans leur lutte contre Daesh, avaient déploré une extrême inéficacité des attaques de drones américains. Ils avaient expliqué que les djihadistes étaient tellement nombreux, que quelques drones ne les intimidaient pas.     

La force du nombre semble ainsi bel et bien jouer en faveur des djihadistes et au détriment des forces américaines qui, à chaque raid sur des organisations terroristes, se retrouvent très vite face à de nouveaux arrivants, encore plus dangereux, encore plus déterminés, encore plus malins. 

Par ailleurs, bien que les frappes de précision parviennent à éliminer ça et là quelques responsables importants, les plus connus restent curieusement introuvables.

C'est la cas de figures clefs tels que le Mollah Omar, chef suprême des Talibans qui le considèrent comme «l'émir des croyants». Adoubé par Al-Qaïda et par Oussama ben Laden lui-même qui lui avait prété allegeance, il serait toujours vivant et actif.

Abou Bakr Al-Baghdadi, chef de Daesh, avait été donné un temps pour mort, avant de réapparaître en 2010 à la tête de l'Etat islamique en Irak (ISI). Un enregistrement a été diffusé récemment pour mettre un terme aux rumeurs d'avril dernier qui le disaient grièvement blessé. Les Etats-Unis le recherchent désespérément depuis 2011 et sa tête est mise à prix pour 10 millions de dollars.

Les Etats-Unis n'arrivent pas non plus à mettre la main sur le leader de Boko-Haram, Abubakar Shekau. Parfois présenté comme fou et prônant une violence sans limites (il est responsables d'attentats, massacres et enlèvements de masse) il a déclaré récemment faire allégeance à l'Etat islamique. Sa tête est mise à prix par les Etats-Unis pour 7 millions de dollars.

Le week-end dernier, Mokhtar Belmokhtar du mouvement Al-Mourabitoune et qui est à l'origine de la prise d'otage sur le site gazier d'In Amenas, aurait été éliminé en Libye, avant que sa mort ne soit démentie par un groupe djihadiste libyen. Ce n'est pas la première fois que «le borgne» est donné pour mort. Les Etats-Unis, qui n'arrivent toujours pas à en venir à bout, ont mis sa tête à prix pour 5 millions de dollars.

Régulièrement les groupes djihadistes font des déclarations provocatrices et menaçantes après la mort d'un des leur. Cela confirme leur détermination à la guérilla et à la résistance coûte que coûte à l'occident, ce dernier peinant à atteindre les groupes extremistes de façon définitive.