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Roumanie : la contestation politique s'exacerbe envers le gouvernement

L'opposition au décret gouvernemental allégeant les peines pour les politiques corrompus se renforce en Roumanie, avec la montée au créneau du président roumain, la démission d'un ministre et le début d'une contestation au sein du parti au pouvoir.

Le président roumain, Klaus Iohannis, a saisi le 2 février la Cour constitutionnelle pour contester le décret du gouvernement assouplissant la législation anticorruption. La veille, de vastes et inédites manifestations avaient rassemblé des dizaines de milliers de personnes opposées à cette mesure et au gouvernement.

«Il s'agit évidemment d'un conflit constitutionnel et juridique entre le gouvernement, l'appareil judiciaire et le parlement», a notamment déclaré Klaus Iohannis dans une allocution télévisée. Le président roumain, qui a participé à la manifestation contre le gouvernement à Bucarest, a par ailleurs demandé au Premier ministre social-démocrate, Sorin Grindeanu, de renoncer à ce décret plutôt que d'organiser des contre-manifestations.

Le gouvernement et le parti au pouvoir en proie à une contestation interne

Chef du gouvernement depuis le 30 décembre, Sorin Grindeanu a subi plusieurs coups durs le 2 février avec la montée en puissance de la contestation au sein même de son gouvernement et de son propre parti. Le ministre des Milieux d'affaires, du Commerce et de l'Entrepreneuriat, Florin Jianu, a ainsi annoncé sa démission, en dénonçant la mesure qui dépénalisait certains abus de pouvoir ou actes de corruption.

Le ministre de la Justice, Florian Iordache, a quant à lui annoncé déléguer temporairement ses fonctions à un subordonné jusqu'au 7 février. La porte-parole du gouvernement a néanmoins indiqué que cette décision avait été prise afin que le ministre puisse se consacrer à la préparation du budget annuel.

En outre, Mihal Chirica, vice-président du parti social-démocrate au pouvoir et maire de la ville d'Or Iasi, a personnellement demandé au gouvernement de revenir sur sa décision et de retirer la mesure.

Adopté par décret d'urgence le 1er février, le texte gouvernemental doit entrer en application dans une dizaine de jours, sans passer par un vote au parlement. A moins qu'il ne soit jugé inconstitutionnel d'ici là, ce décret permettra de dépénaliser certaines infractions et de rendre l'abus de pouvoir passible de prison uniquement s'il entraîne un préjudice supérieur à 44 000 euros.

Selon l'agence de presse Reuters, des dizaines de responsables politiques roumains, dont le chef du Parti social-démocrate, pourraient bénéficier de cette mesure. Par ailleurs, et selon Reuters, les abus de pouvoir représentent un tiers des enquêtes pour corruption ouvertes en Roumanie.

Cette décision a déclenché la colère de plusieurs dizaines de milliers de Roumains le 1er février lors de manifestations inédites par leur ampleur depuis la chute du communisme en 1989. Selon plusieurs médias nationaux, ce sont ainsi près de 300 000 personnes qui ont dénoncé l'assouplissement de la législation anticorruption à travers tout le pays. Des incidents ont également opposé certains manifestants aux forces de l'ordre en fin de manifestation à Bucarest, la capitale du pays. 

Pour le moment et malgré les nouvelles manifestations à venir, le gouvernement semble vouloir rester droit dans ses bottes. Le Premier ministre a notamment envoyé le 1er février une lettre au président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, pour expliquer sa décision. Selon lui, le décret permettra de réduire la surpopulation carcérale. 

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