Dans une interview sur la chaîne de télévision Vox, qu’Obama a lui-même qualifiée de lieu pour les «types surdoués et boutonneux», le président américain a contesté l’efficacité de la politique étrangère purement «réaliste». Mais il a aussi reconnu que les Etats-Unis, dont le budget de la défense est supérieur à celui des dix pays qui les suivent mis ensemble, avaient besoin de compter sur leur poids militaire et d’autres leviers de pouvoir.
En faisant l’éloge du système fondé sur des règles qui a émergé après la Seconde Guerre mondiale, Obama a admis qu’il n’était pas parfait, mais il a souligné que «l’ONU, le Fonds monétaire international et tout un tas de traités, de règles et de normes établis ont vraiment aidé à stabiliser la situation dans le monde qui, sinon, ne serait pas ce qu’il est».
«Parfois nous devons forcer la main des pays qui ne feraient pas ce que nous voulons qu’ils fassent…»
Pourtant, il a déclaré que l’efficacité de ce système idéaliste, wilsonien, fondé sur des règles a été sévèrement mise à mal par le fait «qu’il y a de mauvaises personnes en dehors des Etats-Unis qui essayent de nous faire du mal».
De l’avis du président, la réalité de ces menaces a contraint les Etats-Unis à être «la plus forte puissance militaire du monde». Obama ajoute que « parfois nous devons forcer la main des pays qui ne feraient pas ce que nous voulons qu’ils fassent, en exerçant une pression économique, diplomatique et parfois militaire. Si nous n’avions pas cette dose de réalisme, nous n’aurions rien accompli».
Obama affirme que les Etats-Unis n’ont pas de «solutions militaires» à tous les défis du monde moderne bien qu’il ajoute : «Nous n’avons pas d’équivalent», si l’on considère les Etats qui pourraient attaquer ou provoquer les Etats-Unis.
«Nous dépensons plus d’argent pour notre défense que les dix pays qui nous suivent mis ensemble»
«Celui qui s’en approche le plus est évidemment la Russie avec son arsenal nucléaire, mais, en général, elle ne peut pas se projeter dans le monde entier comme nous le faisons. La Chine ne peut pas le faire non plus. Nous dépensons plus d’argent pour notre défense que les dix pays qui nous suivent mis ensemble », a-t-il dit.
Dans ce contexte, Obama a déclaré que le «désordre» qui provenait de «pays ratés» et de «menaces asymétriques posées par les organisations terroristes» était le plus grand défi auquel la communauté internationale faisait face aujourd’hui.
Obama a aussi avoué que la lutte contre ces problèmes et d’autres encore a impliqué «d’exploiter d’autres pays» et «d’autres ressources» à chaque fois que c’était possible. Il a également reconnu que Washington était «le premier de cordée parce que nous avons des capacités que les autres pays n’ont pas».
Il a déclaré que cette approche avait également conduit à un certain «partage des charges et à une appropriation des résultats».
Interrogé sur les limites du pouvoir américain, Obama a admis qu’il y avait des choses que son administration ne pouvait simplement pas faire en matière de projection de puissance, mais il est resté optimiste.
«Le leadership américain provient en partie de notre esprit d’initiative»
«Le leadership américain provient en partie de notre esprit d’initiative. Nous sommes le plus grand, le plus puissant pays sur Terre. Comme j’ai déjà dit dans mes discours : quand les problèmes arrivent, on n’appelle pas Pékin. On n’appelle pas Moscou. On nous appelle. Nous acceptons cette responsabilité. Je crois que la question qui se pose est de savoir comment ce leadership s’exerce. Mon administration est très agressive et internationaliste dans ses efforts d’intervenir, d’accepter et d’essayer de résoudre les problèmes», a-t-il indiqué.
Cet appel au leadership américain qui est souvent englobé dans la notion de l’exceptionalisme américain a été régulièrement mis en doute par Moscou.
Le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov a réagi à cette notion en septembre dernier après le discours d’Obama devant l’ONU, où le président américain a identifé «l’agression russe en Europe» comme une menace pour la paix la sécurité internationale au même titre que le virus Ebola ou l’Etat islamique (EI).
Sergueï Lavrov a dit que l’intervention d’Obama à l’ONU était «le discours d’un pacificateur dans sa conception», mais il a aussi ajouté qu’Obama « n’a rien démontré si l’on se base sur des faits réels».
Sergueï Lavrov a encore ajouté qu’Obama avait présenté une vision du monde basée sur l’exceptionnalisme des Etats-Unis. «C’est la vision du monde d’un pays qui a déclaré comme doctrine de défense son droit d’utiliser la force arbitrairement sans tenir compte des résolutions du Conseil de Sécurité de l’ONU ou d’autres actes internationaux», a dit le ministre russe des Affaires étrangères.
Dans un éditorial publié dans le New York Times et daté de septembre 2013, le président russe Vladimir Poutine a dit que la notion de l’exceptionnalisme américain était dangereuse sur la scène mondiale. «C’est extrêmement dangereux d’encourager les personnes à se considérer comme exceptionnelles, quelle que soit leur motivation», a écrit le président russe, ajoutant : «Il y a de grands pays, de petits pays, riches et pauvres, avec des traditions démocratiques ou qui cherchent encore le chemin de la démocratie. Leurs politiques diffèrent aussi. Nous sommes tous différents, mais quand nous demandons la bénédiction de Dieu, il ne faut pas oublier qu’il nous a créés égaux».