«Le documentaire sur les Casques blancs produit par Netflix a été nominé pour un Oscar ! Je suis tellement fier d'avoir tourné ce film et de cette nomination.» Le tweet envoyé par Khaled Khatib, un photographe des Casques blancs, est à l’image de la satisfaction ressentie par ce groupe qui rassemblerait jusqu’à 3 000 «secouristes volontaires et bénévoles» en Syrie.
«Les Casques blancs», réalisé par Orlando von Einsiedel, a été choisi le 23 janvier pour la course aux Oscars dont la cérémonie aura lieu le 26 février à Los Angeles. Il concourra dans la catégorie meilleur court métrage documentaire. A coup sûr, cela va faire parler. Beaucoup.
Si l’on s’en tient à la version officielle, rien de plus normal. Après tout, le collectif avait même été pressenti pour obtenir le Prix Nobel de la paix. Encensé par bon nombre de dirigeants et associations à travers le monde, soutenu par des personnalités politiques telles que les ministres des Affaires étrangères français et britannique, les Casques blancs ont même été reçus avec les honneurs à l’assemblée nationale le 18 octobre. Le groupe socialiste et la commission des Affaires étrangères de l’hémicycle avait ainsi souhaité exprimer «le soutien de la France en invitant une délégation de Casques blancs à venir témoigner du martyr d'Alep».
Du côté de la majorité de la presse hexagonale, même son de cloche. L’Express, pour ne citer que lui, publiait ainsi un article en novembre 2015 intitulé : «Syrie : qui sont les "Casques blancs", héros anonymes de la guerre ?»
Des Casques blancs qui cachent bien leur jeu ?
Problème ? Cette vision hagiographique a été, à de nombreuses reprises, remise en cause. Les financements ainsi que les liens supposés du groupe avec les djihadistes ont soulevé bien des questions.
L'association, qui existe depuis 2013, affirme être une «ONG neutre, impartiale et humanitaire». Pourtant, elle perçoit des sommes astronomiques en provenance de l’Occident. 100 millions de dollars des Etats-Unis, 65 millions environ de la Grande-Bretagne, quant à l’Hexagone, il fournit des équipements. Les Casques blancs bénéficient des subventions de l'Agence des Etats-Unis pour le développement international (USAID), considérée comme très proche du renseignement américain, à hauteur de 23 millions de dollars.
Pire, certains n’hésitent pas à affirmer qu’ils œuvrent directement pour la cause djihadiste en Syrie. C’est le cas de Vanessa Beeley, journaliste indépendante et chercheuse britannique qui s’est rendue sur place. Elle assure que les Casques blancs ne sont pas ceux qu'ils prétendent être : «[Ils] sont dans les régions contrôlées par les terroristes. Ils fournissent des soins médicaux aux terroristes, ils acheminent les équipements par la Turquie dans les régions terroristes […]. Ils ont été filmés participant à l’exécution d’un civil à Alep. Ils diffusent des vidéos, sur leurs pages dans les réseaux sociaux, des exécutions de soldats et de civils arabes.»
Cette dernière s’est intéressée de près à la question. Elle a notamment découvert que James le Mesurier, fondateur de l'ONG Mayday Rescue et entraîneur des Casques blancs est un ancien militaire britannique.
D’après les recherches effectuées par la journaliste, ce dernier est proche de sociétés de sécurité privées qui ont été ou sont sous contrat avec l’armée américaine ou la CIA telle que la controversée Blackwater, dorénavant appelée Academi. Elle était mandatée par le Pentagone afin de mener des missions délicates, notamment à l’étranger.
Si les Casques blancs sont actifs dans plusieurs régions syriennes, c'est bien leur action à Alep qui a obtenu le plus de couverture médiatique. L'émission Le Quotidien présentée par l'ex-animateur de Canal + Yann Barthès prenait régulièrement des nouvelles d'Ismaël, l'un des membres de l'organisation décriée. Ce dernier avait pris pour habitude de décrire l'«horreur» qui régnait à Alep par Skype.
Pourtant, Lizzie Phelan, correspondante de RT en Syrie, s’est entretenue avec plusieurs survivants à Alep au sujet de ces activistes anti-gouvernementaux. Certains des habitants ont qualifié les Casques blancs de «poseurs d'appareil photo, de voleurs et de pilleurs».
Un leader controversé
Reste que Raed Saleh, chef des Casques blancs, est ravi de cette nomination aux Oscars : «C'est une nouvelle opportunité pour faire passer notre message moral et humanitaire.» Avant d’ajouter qu’elle allait les aider à atteindre leur objectif et leur slogan «Qui sauve une vie sauve toute l'Humanité.»
Mais, en cas de victoire, pourra-t-il aller récupérer la statuette à Los Angeles ? Car, en 2016, Raed Saleh a bel et bien été expulsé des Etats-Unis... après avoir été soupçonné d'entretenir des relations avec des groupes islamistes. Cela ne l’avait pas empêché de rencontrer l’ex-secrétaire d’Etat américain John Kerry en septembre de la même année. Mais, depuis, John Kerry a quitté son poste et Donald Trump occupe le Bureau ovale.
Cette nomination aux Oscars fait écho à une affaire qui avait secoué le web en novembre 2016. Les Casques blancs avaient fait polémique en réalisant leur propre «Mannequin challenge», des vidéos populaires qui consistent à filmer des personnes figées pendant une période plus ou moins longue.
Mais pour leur «show», les membres de l'«ONG» s’étaient mis en scène en plein «sauvetage», leur marque de fabrique qui a provoqué les louanges de l’Occident.
Pour rendre crédible leur simulacre, ils n’ont pas lésiné sur les moyens : poussière sur le visage d’une «victime» prise au piège dans les décombres. Sans oublier les indispensables sirènes et bruits de détonations.
Beaucoup s’étaient indignés sur les réseaux sociaux de cette mise en scène. D’autres avaient préféré l’humour dont un utilisateur de Twitter qui s’était demandé s’ils ne s'entraînaient pas «pour leurs autres vidéos» sous-entendant que les Casques blancs étaient des habitués de la comédie macabre.
Et si certains avaient même fait preuve d'anticipation ? «Les Casques blancs vont recevoir un Oscar des effets spéciaux», avait notamment lancé l'un d'entre eux. Pas la bonne catégorie mais la bonne récompense ?