«#Hillary2016 commence ici.» Un tweet pour lancer sa campagne officielle. Le samedi 13 juin, la favorite à la primaire démocrate s’est adressée à la foule sur l’île de Roosevelt Island à New-York. Depuis l’annonce de sa candidature le 12 avril, elle avait privilégié les rencontres en comité restreint. Comme dans l’Iowa ou le New Hampshire.
Mais maintenant, l’ancienne «First lady» passe aux choses sérieuses. Si les élections avaient lieu demain, Hillary Clinton battrait tous ses adversaires. Son concurrent le plus sérieux est le Républicain Rand Paul. Elle sait que c’est l’occasion ou jamais de s’installer dans le bureau ovale. Pourtant, le chemin est encore long. Aux prises avec des scandales qui se multiplient, les attaques se font de plus en plus vives. Pointée du doigt pour ses liens supposés avec la finance, les médias, le complexe militaro-industriel et même le terrorisme, la marche vers la Maison Blanche est encore longue.
Hillary, une vie de politique
Hillary Clinton est une personnalité complexe dont la carrière intrigue. Fille d’un Républicain conservateur, elle fait ses premières armes en politique dans ce parti. Mais déjà un parfum de contradiction règne dans ses engagements. Opposée à la guerre du Vietnam, elle participe tout de même à la primaire républicaine de 1968. Soutenant au départ Eugène McCarthy, candidat anti-guerre, elle porte ensuite son choix sur Nelson Rockfeller, fils du célèbre milliardaire. Elle coupe définitivement les ponts avec les Républicains lorsque Richard Nixon est choisi pour la course à la Maison Blanche.
Après s’être mariée avec Bill Clinton en 1975, elle décide de suivre son mari en Arkansas. Etat qu’il dirigera pendant douze ans en tant que gouverneur. Elle reste cependant active en s’investissant dans de nombreuses associations mais également dans les affaires. A cette époque, elle est membre du comité exécutif de la chaîne Wall-Mart.
Hillary Clinton devient Première dame en 1992 et le restera durant huit ans. Huit années de hauts et de bas. Celles des premiers succès politiques comme lorsqu’elle est élue sénatrice de l’Etat de New-York, devenant la première Première dame de l’histoire américaine à être élue à un poste officiel. Mais également les années des premiers scandales. Les frasques extra-conjugales de son mari à la fin des années 90 mais pas que. Hillary Clinton est accusée d’avoir profité d’informations glanées dans le cadre de son cabinet d’avocat pour s’enrichir personnellement. Il lui est reproché d’avoir, grâce à ces informations, acheté des terrains en Arkansas qui lui auraient rapporté gros. Hillary Clinton a déposé sous serment devant la justice en 1996 pour cette affaire dite du «scandale Whitewater».
En 2009, sous l’administration Obama, c’est la consécration. Elle devient Secrétaire d’Etat des Etats-Unis et sera à la tête de la diplomatie américaine durant quatre ans. Elle quitte son poste en 2013 pour se consacrer à ses ambitions présidentielles.
Gauchiste ? Va-t-en-guerre ? Ou les deux ?
Hillary Clinton joue la différence. Pourtant, lorsque l’on jette un regard sur sa carrière, elle apparaît comme le prototype de la parfaite politique à l’américaine. Noam Chomsky, célèbre linguiste, a récemment déclaré qu’Obama n’était «qu’un opportuniste à la politique lamentable». Et Clinton ? «Pas mieux, peut-être juste un peu plus agressive».
L’agressivité à laquelle fait référence Chomsky renvoit à la réputation de va-t-en-guerre que s’est forgée Hillary Clinton ces dernières années. Longtemps cataloguée comme «libérale» au sens américain du terme, c’est à dire de gauche, voir gauchiste, elle est aujourd’hui raillée sur le côté agressif de sa conception de la politique étrangère.
Ayant voté la guerre en Irak en tant que sénatrice, elle aurait joué un rôle important dans le conflit libyen. La polémique sur la fuite de ses e-mails en ce début d’année a en effet montré que la Libye occupait une place de choix dans sa correspondance. Pour certains observateurs, elle aurait fait le forcing en tant que Secrétaire d’Etat pour fournir de l’aide militaire aux adversaires du régime et faire tomber Mouammar Kadhafi. L’ancien candidat à la présidentielle Ralph Nader va même plus loin. Pour lui, Hillary Clinton «a presque mené seule la guerre en Libye». Il prétend que le Département de la Défense était opposé à intervenir dans le conflit et que l’action d’Hillary Clinton a poussé le président Obama à soutenir militairement les opposants au régime.
La politique belliqueuse de la candidate à la Maison Blanche pousse certains à l’accuser d’avoir des liens avec le complexe militaro-industriel américain. Celle que Nader qualifie de «militariste forcenée» est également pointée du doigt par Paul Craig Roberts, sous-secrétaire du Trésor sous Reagan. Il accuse ni plus ni moins Hillary Clinton d’être connue pour ses liens étroits avec l'industrie militaire US.
Sa réputation ne va pas s’arranger avec ses dernières déclarations à destination de la Russie et de Vladimir Poutine. En mars 2014, l’ancienne Première dame avait comparé le président russe à Adolph Hitler. Depuis, elle a multiplié les attaques contre le régime de Moscou. Pour Roberts, Clinton est «la plus disposée à partir en guerre avec la Russie».
Hillary Clinton et l’argent
Lancée dans la course aux millions de dollars, la favorite à l’élection ne fait pas dans la demi-mesure. Entre quatre et six fois par semaine, elle se rend à la rencontre de ses soutiens financiers. Lui serrer la main vous en coûtera 2.700 dollars. Elle demande donc à ses convives d’être généreux. Ils ne pourraient pas l’être plus. C’est le plafond des dons destinés aux candidats aux primaires présidentielles.
Un des rivaux d’Hillary Clinton, le «socialiste démocrate» Bernie Sanders s’est engouffré dans la brèche pour lancer ses critiques. Il refuse de jouer à ce petit jeu. Selon lui : «Les milliardaires sont littéralement capables d’acheter les élections américaines et les candidats». Il juge l’époque «obscène».
Ce n’est pas la première fois qu’Hillary Clinton est pointée du doigt pour sa relation avec l’argent. En avril dernier, le journaliste Peter Schweizer a lancé un pavé dans la marre des Clinton. Alors qu’il s’apprêtait à sortir son livre intitulé «L’argent des Clinton», il a accusé le Fonds Clinton, organisation caritative gérée en famille par les époux et leur fille Chelsea, d’avoir bénéficié de dons, notamment en provenance de l’étranger, contre des faveurs politiques. Traduction : il insinue ni plus ni moins que la fondation a encaissé des pots de vin. Dans son livre, le journaliste cite des dizaines d’exemples de dons financiers accompagnés de décisions politiques au bénéfice des «mécènes».
L’ouvrage dont le contenu a été qualifié de «solide» par le Huffington Post, accuse également le couple d’avoir financé des titres de presse par le biais de leurs fondations afin d’obtenir les grâces des journaux.
Le très prestigieux New-York Times est visé. Une fondation peu connue et contrôlée par les époux Clinton aurait versé 100 000 dollars au fonds de charité du journal en 2008. La même année, le journal a soutenu la candidature d’Hillary Clinton à la primaire démocrate.
Pour une candidate qui attaque régulièrement le pouvoir de l’argent dans ses meetings, ces accusations représentent une belle épine dans le pied. Son pied.
Des relations troubles avec certains pays du Golfe
En mai dernier, une enquête a secoué la galaxie Clinton. L’International Business Time a porté de sérieuses allégations. A en croire le journal en ligne américain, le Département d’Etat aurait facilité, sous la houlette d’Hillary Clinton, la vente d’armes à une vingtaine de pays dont l’Arabie Saoudite ou encore le Qatar. Ces nations étaient ou seraient devenues des donateurs réguliers à la … Fondation Clinton.
Pour l’IBT, «l’Algérie, l’Arabie Saoudite, le Koweït, les Emirats Arabes Unis, Oman et le Qatar ont tous versés de l’argent à la Fondation Clinton». Pourtant, toujours selon le média, le Département d’Etat suspectait ces mêmes pays s'adonner à la corruption, à la répression et de restreindre les libertés civiles.
Pire encore, Hillary Clinton est actuellement prise dans la tourmente. Et dans cette tourmente circule le nom de Boko-Haram. Le sénateur Républicain David Vitter et l’association à but non-lucratif Citizens United veulent savoir pourquoi lorsque Hillary Clinton était à la tête du Département d’Etat, la secte Boko Harman n’a pas été placée sur la liste des organisations terroristes.
Des soupçons de gros sous et la Fondation Clinton. Cocktail des ennuis d’Hillary. Cette fois, c’est un homme d’affaires nigérian qui est mêlé au scandale. Gilbert Chagoury, magnat de la construction, est un des plus gros donateurs de la fondation et soutien du parti Démocrate. Il se trouve que la reconnaissance d’une organisation terroriste dans un pays par les Etats-Unis est un puissant frein aux investissements étrangers. Ce qui porterait tord aux affaires de Chagoury. Il n’en fallait pas plus pour développer une théorie.
Toujours favorite, Hillary plie mais ne rompt pas. Reste à savoir si son chemin la mènera directement à Washington. Pour ça, elle devra se montrer convaincante et tenter de balayer les polémiques. Tout a vraiment débuté samedi, sur une petite île new-yorkaise.