Le Kremlin contrôlerait-il une horde de génies du hacking prêt à attaquer d’autres nations sur ordre ? Si Moscou a toujours réfuté en bloc cette hypothèse, plusieurs pays occidentaux en semblent bel et bien convaincus.
Les accusations répétées de la part de Washington qui affirme que des pirates informatiques contrôlés par la Russie ont influencé les élections américaines semblent avoir fait du chemin dans la tête de plusieurs dirigeants et journalistes européens. Tour d’horizon.
Le ministre de la Défense du Danemark déclare être «sous la menace» russe
Dans une interview au Berlingske datée du 12 janvier, Claus Hjort Frederiksen, à la tête de la Défense danoise, n’a pas mâché ses mots quant au danger que représenteraient la Russie et ses «hackers».
«Des groupes de hackers russes supportés par leur gouvernement sont prêts à attaquer les hôpitaux, les infrastructures et le réseau électrique en piratant nos systèmes informatiques et en créant du désordre au sein de notre système de santé», a-t-il déclaré. Rien que ça ?
D’après ses dires, ces craintes ont été avivées en partie par Ashton Carter, le secrétaire américain à la Défense jusqu'au 20 janvier. Pourtant, dans ce pays, les accusations de Washington n’ont jamais été prouvées. De l’aveu même du procureur général des Etats-Unis, il n’y a aucune preuve de l’origine des piratages qui ont touché le Parti démocrate au printemps 2016.
L’Allemagne craint pour ses élections
Le 28 novembre, l’Allemagne a été victime de la plus importante cyberattaque de son histoire. Les routeurs principaux du géant allemand Deutsche Telekom ont été piratés. Près d’un million de foyers ont vu leur connexion internet perturbée. Encore une fois, aucune preuve n’indique que la Russie soit derrière cette attaque.
Pourtant, dès le lendemain, la chancelière Angela Merkel s’est inquiétée d’une éventuelle ingérence russe dans les élections législatives qui se dérouleront dans le pays entre août et octobre 2017. Elle n’a pas hésité à parler de «doctrine russe», incitant aux «conflits hybrides» qui font désormais partie «du quotidien». Selon le chef de l'exécutif allemand, son pays «doit apprendre à y répondre». Elle s’est contentée de dire que l’enquête suivait son cours pour «déterminer d'où ces attaques provenaient, ce qui n'est pas facile». Moscou or not Moscou ?
La France reste prudente au plus haut niveau
Dans une interview le Journal du Dimanche daté du 8 janvier, le ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian déclarait ceci : «Il ne peut être exclu que des opérations de même nature que celles observées aux Etats-Unis cherchent à perturber le processus électoral français.» Par «opérations de même nature», le locataire de l’hôtel de Brienne entend piratage. S’il a souligné que nous assistions à «un retour en force des puissances qui se réaffirment» en parlant de la Russie, de la Chine ou de l’Iran, il s’est bien gardé de nommer Moscou en tant que menace alors qu'il évoquait les risques d’ingérence étrangère dans le processus électoral.
Si au sommet de l’Etat on reste prudent, une partie de la presse française l’est beaucoup moins. Si l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) a confirmé le 28 décembre avoir été victime d’un piratage informatique découvert au début du mois de novembre, Le Monde est affirmatif. Citant les propos d'un service de renseignement occidental, le journal du soir laisse entendre que l’attaque «serait imputable au groupe de hackers russes APT28 [...] déjà soupçonné d'être derrière l'attaque perpétrée en avril 2015 contre la chaîne de télévision TV5 Monde et réputé pour ses liens avec les services spéciaux russes».
Une porte-parole de l’OSCE a déclaré avoir connaissance de ces «spéculations». Selon elle, l’organisation basée à Vienne n’est sûre de rien quant à l’origine du piratage : «Nous n'avons pas la capacité de conduire une telle enquête et nous ne voulons pas spéculer.»