International

Hamid Karzaï : Daesh aura besoin d’«un coup de main de l’étranger» pour s’étendre en Afghanistan

Le renforcement des positions de Daesh en Afghanistan pourrait menacer à la Russie et la Chine voisines, mais cela ne sera pas possible sans soutien étranger, a déclaré Hamid Karzaï, ex-président afghan, lors de l’émission de RT «Worlds Apart».

L’Etat islamique, qui est appelé Daesh en arabe, est «assez étranger» à l’Afghanistan, a répondu l’ex-président Hamid Karzaï à la question sur la menace que les djihadistes peuvent représenter pour son pays.

Selon l’information qui est apparue plus tôt cette semaine, entre 10 et 12 combattants talibans ont été décapités par Daesh dans la province de Nangarhâr à la frontière avec le Pakistan. On croit que cette région est une des cibles clé pour les djihadistes alors que le groupe cherche à saisir toujours plus de territoires, ajoutant la province afghane aux territoires conquis en Irak et en Syrie.

Cependant, Karzaï pense que l’expansion de Daesh en Afghanistan ne sera pas possible «sans un coup main de l’étranger, sans appui extérieur».

Mais si Daesh obtient du soutien à l’étranger, «il ira plus loin en Asie centrale pour menacer la Chine et la Russie».

«Dons, si vous entendez dans les jours à venir, ou les mois à venir que Daesh accroît son influence en Afghanistan, qu’il se renforce et s’étend militairement, cela signifiera que c’est une force étrangère qui veut déstabiliser la région, en particulier, l’Asie centrale, la Chine et la Russie», a-t-il ajouté.

Karzaï a rejeté le blâme pour l’expansion rapide de Daesh sur «l’ingérence étrangère» en Irak et en Syrie, disant qu’il s’agit du «résultat des événements» là-bas.

Karzaï a une nouvelle fois critiqué les Etats-Unis et leurs alliés pour leur tendance à se mêler de ce qui se passe en Afghanistan, rappelant que la guerre déclarée contre le terrorisme dure depuis plus d’une décennie «sans apporter les résultats que nous avons tous attendus».

«Malheureusement, les Afghans ont beaucoup souffert de cette guerre contre le terrorisme tandis que le terrorisme et l’extrémisme, au lieu d’être abattus, réduits ou éliminés, sont en hausse constante et à grande échelle. Aujourd’hui, nous avons plus de radicalisme que jamais. Nous avons plus d’extrémisme que jamais», a-t-il déclaré.

L’ex-président a lancé un appel direct à Washington, l’exhortant à «s’expliquer devant le monde sur l’échec de sa guerre contre le terrorisme et sur les raisons pour lesquelles cette guerre est hors de tout contrôle».

L’homme politique de 57 ans a souligné que, pendant sa présidence, il n’était pas satisfait de nombreux aspects du comportement américain en Afghanistan, ce qui créait toujours «un profond désaccord» entre Kaboul et Washington.

Les Américains et «le monde» auraient été au courant du fait que «les lieux de culte radicaux, les bases d’entraînement et autres facteurs de motivation du terrorisme se trouvaient non pas en Afghanistan, mais à l’extérieur, au Pakistan notamment, comme ils nous l’ont dit plusieurs fois». Et pourtant, les forces américaines, comme explique l’homme politique afghan, ont continué à porter des frappes sur des villages afghans et à emprisonner des habitants.

Selon lui, le problème de la guerre des Etats-Unis contre le terrorisme en Afghanistan peut se résumer fait que les Américains ne voulaient prendre aucun parti, ni celui du gouvernement, ni celui des Talibans.

«Je suis convaincu que nous avons observé une politique de dualité, ils ménageaient la chèvre et le chou. Et c’est pourquoi il y a eu de tels échecs, c’est pourquoi il y a eu tant de souffrances pour le peuple afghan et pour les Américains aussi», a-t-il dit.

Cependant, Karzaï n’a pas exclu la possibilité d’un apaisement entre l’Afghanistan et les Etats-Unis. Mais pour ce faire, Washington doit revoir ses réflexions stratégiques concernant la guerre contre le terrorisme et renoncer à cette dualité, a-t-il ajouté.

Karzaï, qui a dirigé l’Afghanistan de 2004 à 2014, soutenait l’idée d’une phase de négociations avec les Talibans qu’il a notamment appelé «nos frères», «eux aussi des Afghans». Le processus de paix dans le pays, selon lui, a été freiné par l’influence étrangère.

«Je sais fort bien depuis de nombreuses années que les Talibans veulent retourner en Afghanistan mais qu’ils n’ont pas les capacités pour le faire parce qu’il y a d’autres forces dans la région, y compris les militaires et le renseignement pakistanais qui les en empêchent», a-t-il expliqué.

Karzaï est resté une figure importante en Afghanistan après sa démission et a essayé de mettre à profit ses contacts à l’étranger pour aider l’Etat en détresse.

Il a notamment visité l’Inde pour négocier avec le Premier ministre indien Narendra Modi en mai et est attendu à Moscou plus tard en juin pour une série de rencontres, y compris avec le président russe Vladimir Poutine.