Cette découverte de la police est inhabituelle en Espagne, où le phénomène djihadiste semble assez limité. Elle fait suite à l'arrestation mercredi 28 décembre de deux Espagnols, Edrissa Ceesay Sanuwo et Samir Sennouni Mouh, écroués vendredi 30 décembre par un juge de l'Audience nationale, juridiction spécialisée dans les affaires de terrorisme.
Ces hommes, «après avoir obtenu un fusil de type AK-47 (...) ont réalisé différentes vidéos en exhibant celui-ci de même qu'un couteau militaire, avec les attributs de Daesh (acronyme en arabe de l'Etat islamique), entre autres le drapeau en y insérant des chants islamiques et des phrases de nature djihadiste», selon l'ordonnance de placement en détention.
Les deux individus, dont l'âge n'est pas précisé, sont poursuivis pour «apologie du terrorisme et stockage de munitions et armes de guerre».
Lors de perquisitions ayant suivi leur arrestation dès mercredi, la police avait découvert, dans un terrain vague au sud-est de Madrid, cinq chargeurs de fusil d'assaut de type AK-47 et des munitions.
Selon une source judiciaire qui a souhaité garder l'anonymat, une image de la Puerta del Sol a été insérée dans certains enregistrements vidéo.
«Il y a des images vidéo qui montrent des hommes avec des capuches et des armes devant la Puerta del Sol», la place où les Madrilènes célèbrent chaque année en masse le Nouvel An, a indiqué cette source à l'AFP.
Depuis 2015, l'Espagne a arrêté 177 suspects en lien avec ses enquêtes sur le terrorisme islamiste.
Faut-il avoir peur?
La plupart sont néanmoins poursuivis pour de simples actes de propagande ou de recrutement pour le compte de l'EI ou de l'auto-endoctrinement terroriste sur les réseaux sociaux, une qualification pénale qui existe dans le pays depuis 2015.
La découverte de mercredi serait donc de nature plus inquiétante, car les suspects ont pu se procurer des éléments d'une arme de guerre, dont les enquêteurs vont à présent devoir déterminer l'origine.
La police devra aussi déterminer s'ils avaient d'autres contacts radicalisés qui auraient pu participer notamment à l'enregistrement et l'édition des vidéos.
Selon le juge, les suspects cherchaient à se procurer des fusils, des armes de poing et des grenades, mais on ignore s'ils avaient pu atteindre leur but.
De là à considérer qu'ils étaient sur le point de commettre un attentat contre la Puerta del Sol, il y a un pas que l'on ne peut pas franchir, a estimé cependant la source judiciaire, précisant qu'aucun autre élément concret de préparation n'avait pour l'instant été découvert.
L'Espagne, frappée par une vague d'attentats qui avait fait 191 morts dans des trains de banlieue de Madrid le 11 mars 2004, est actuellement relativement épargnée par le phénomène des combattants partis pour rejoindre l'EI.
Les autorités estiment que seuls 200 Espagnols sont allés combattre à l'étranger dans les rangs de groupes djihadistes, contre plusieurs centaines de départs depuis la France ou la Belgique.
Le chef du gouvernement Mariano Rajoy a assuré lors d'une conférence de presse que «les risques ne sont ni plus ni moins élevés» qu'en 2015, lorsque le seuil d'alerte antiterroriste avait été élevé au niveau quatre sur cinq.
Madrid et Barcelone ont cependant pris des mesures de sécurité extraordinaires: le quartier de la Puerta del Sol sera bouclé et les Madrilènes qui voudront y accéder pour célébrer le changement d'année feront l'objet de contrôles individuels.
Camions de police, jardinières et plots bloqueront les accès pour éviter le passage de poids-lourds semblables à ceux utilisés pour les attentats de Nice et Berlin.
Dans la capitale, ces camions seront aussi interdits à proximité des parcours des traditionnels défilés de Rois Mages de début janvier.
«Il n'y a pas de raison d'avoir peur. Il faut profiter des fêtes», a voulu rassurer la maire Manuela Carmena vendredi.