«Production de la pensée humaine contraire à l’islam», «essence de la dégénérescence» ou encore «matière de confusion et d’égarement […] motivée par la perversion et le blasphème» : c’est ainsi qu’est décrite la philosophie dans de nouveaux manuels scolaires d'enseignement de la religion musulmane dans les écoles marocaines, rapporte le journal Le Monde.
Destinés aux élèves de la première année du baccalauréat, le manuel scolaire avait été révisé puis réédité fin octobre 2016, conformément à une réforme promue en février par le roi Mohammed VI, qui avait promis d’enseigner un «islam tolérant» et de supprimer les passages violents ou intolérants de la matière.
Mais les changements apportés n'ont pas permis d’éviter de sévères critiques émises pas des professeurs de philosophie et des activistes, qui ont manifesté les 21, 22, et 23 décembre derniers au Maroc.
A la base de la mobilisation, la militante féministe Ibtissame Lachgar, co-fondatrice du Mouvement alternatif pour les libertés individuelles au Maroc (MALI), a dénoncé sur Facebook «le contenu d’un chapitre jugé "diffamatoire"» par les professeurs de philosophie envers la matière qu’ils enseignent.
Pour Noureddine Affaya, professeur de philosophie moderne et d’esthétique à l’université Mohammed-V de Rabat, interrogé par Le Monde, cette mobilisation «prouve qu’au Maroc, et en dépit des élans rétrogrades, il y a toujours des défenseurs de la pensée moderne, y compris la philosophie».
Pour autant, l'enseignant reconnait qu'il y a dans son pays une certaine «adversité à l’égard de la philosophie», qui «s’explique, entre autres, par la peur et la résistance des milieux conservateurs contre toute pensée moderne enseignant la liberté, le questionnement et les principes de l’argumentation.»
Quant au journal marocain L’Economiste, il assure que la vision livrée dans le manuel est inspirée de la pensée d’une figure du salafisme du XIIIe siècle, Ibnou As-Salah Ach Chahrazouri, qui définissait notamment la philosophie comme «le summum de la démence et de la dépravation».