Après l'assassinat le 19 décembre de l'ambassadeur russe en Turquie, Andreï Karlov, par un policier de 22 ans se réclamant «de ceux qui mènent le djihad», les réactions de la communauté internationale ont été unanimes pour condamner ce meurtre.
Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, a dénoncé un «attentat contre les relations turco-russes», Vladimir Poutine a parlé de provocation destinée à «compromettre le processus de paix en Syrie», martelant qu'il était indispensable désormais de savoir «qui a donné les ordres» et le secrétaire d'Etat américain John Kirby a affirmé que les Etats-Unis condamnaient fermement cet acte de violence «quelle qu'en soit l'origine».
L'assassinat qualifié d'héroïque par un député nationaliste ukrainien
Mais il semble que cet assassinat ait aussi ses partisans ... en Ukraine :
«Lorsqu'un homme est prêt à commettre les actes les plus extrêmes et donner sa vie pour ses idées et son amour de la liberté, on peut sans hésiter le qualifier de héros», a posté un député de la Rada (le Parlement ukrainien) Volodymyr Parasyuk.
L'homme, peu connu Occident, avait participé aux émeutes de la place Maïdan à Kiev en novembre 2013, puis a rallié les rangs de l'armée ukrainienne pour prendre part aux combats dans les régions de l'est de l'Ukraine, dont la population, à grande majorité russophone rejetait massivement le gouvernement de Kiev et souhaitant se tourner vers la Russie voisine.
En décembre 2014, Volodymyr Parasyuk a intégré la formation «Ukrop» (Opposition Ukrainienne), crée par Borislav Bereza, membre du parti d'extrême droite paramilitaire ultranationaliste et xénophobe Pravy Sektor, aux côtés d'autres ultranationalistes tels que Dmitri Iaroch, qui fait l'objet d'un mandat d'arrêt international auprès d'Interpol et qui a appelé à de nombreuses reprises et ouvertement à des actes extrémistes visant à répandre la terreur sur le territoire russe.
Pour cet obscur élu ukrainien donc, un attachement corps et âme à une idéologie peut sans problème aucun justifier un acte terroriste comme celui perpétré contre l'ambassadeur russe, tué par balle et au nom du djihadisme lors de l'inauguration d'une exposition d'art à Ankara.
Le président ukrainien évite de commenter l'assassinat
Par ailleurs, si la russophobie aiguë entretenue par le gouvernement de Kiev a pu donner lieu à une telle réaction d'un ultranationaliste ukrainien qui n'hésite pas à voir dans un le terroriste qui a assassiné l'ambassadeur russe en Turquie un «héros», une autre figure politique ukrainienne de premier plan, à savoir tout simplement le président lui-même, ne semble pas vraiment pressée de réagir à l'assassinat, et encore moins d'adresser ses condoléances à quiconque.
En effet, Petro Porochenko, qui a pourtant exprimé ses plus profondes condoléances aux Berlinois, après l'attaque du camion qui a foncé sur la foule faisant au moins 12 morts, a totalement évité de parler du meurtre de l'ambassadeur russe à Ankara.
Le chef de l'Etat ukrainien a assuré dans un tweet que les Ukrainiens priaient pour les victimes innocentes de l'attentat terroriste [de Berlin] et qu'il condamnait cet acte diabolique. Mais pas un mot sur l'autre attentat terroriste, celui perpétré contre l'ambassadeur russe en Turquie.
L'attentat contre le diplomate de Moscou en Turquie et celui du camion à Berlin ayant eus lieu à seulement quelques heures d'intervalle (le premier fut le meurtre de l'ambassadeur), le gouvernement de Kiev semble décidément avoir choisi d'attacher de l’importance uniquement au second. Quand ce n'est pas carrément de voir un acte héroïque dans le premier.
Une journaliste qatarie parle d'un «acte humain en réponse à la barbarie russe»
Ailleurs aussi, le meurtre d'Andreï Karlov a ses soutiens et partisans. Parmi les médias cette fois : En effet, une journaliste qatarie, membre du conseil d'administration du média Al-Jazeera, n'a pas hésité à déclarer que l'assassinat de l'ambassadeur russe était une «réponse humaniste à la barbarie russe en Syrie».
Plus d'une douzaine de messages Twitter liés à l'attaque ont été affichés par un compte au nom du Dr Elham Badar, journaliste réputée au Qatar et membre du conseil d'administration de la société internationale Al Jazeera. «La Russie mérite le pire» [en raison de son rôle dans la guerre civile syrienne] lit-on sur son Twitter. «Cette scène se répétera avec d'autres ambassadeurs de pays qui approuvent les crimes russes à Alep», dit un autre tweet.
Touchée par les propos russophobes du député ukrainien, la porte-parole du ministère de l'Intérieur russe Maria Zakharova s'est exprimé sur Facebook : «On m'a demandé de commenter les déclarations des fonctionnaires et personnalités publiques de différents pays qui ont montré un soutien affiché au meurtrier de l'ambassadeur russe. Je ne le ferai pas. Le diable n'est pas dans mon diocèse. Nous [le ministère de l'Intérieur russe] avons reçu des milliers de lettres, courriers électroniques, appels téléphoniques de politiques, de chefs d'Etat, de journalistes, de gens ordinaires qui nous ont témoigné de leur sympathie, leur soutien et qui ont tous condamné cette attaque terroriste. Merci à ceux qui partagent notre douleur».
Reste à ajouter que le post de Volodymyr Parasyuk a provoqué beaucoup de réactions. Si l'homme trouve sous son post quelques soutiens aux propos ouvertement haineux envers la Russie, son message est loin d'avoir enchanté tous les Internautes, certains considérant qu'une telle sortie est inacceptable.
Dans un commentaire, un utilisateur du réseau social lui a par exemple demandé si ceux qui avaient perpétré les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-unis étaient eux aussi des héros ...
«Parasyuk est la honte de la nation ukrainienne», a écrit une autre personne, tandis qu'un autre utilisateur s'est demandé Tirer dans le dos d'un homme désarmé, où est l'héroïsme ?».
«Le monde entier appelle cela une attaque terroriste. Et seul un député ukrainien qualifie l'assaillant de "héros. Nous avons donc un fonctionnaire qui soutient le terrorisme», a écrit un autre utilisateur.
«Il n'a rien fait pour l'Ukraine», «il devrait être en prison»... autant de commentaires sous le post de Volodymyr Parasyuk qui témoignent de la colère qu'a suscité ce dernier. Certaines personnes étaient tellement indignées qu'elles ont eu recours à des obscénités pour exprimer leur indignation.
Un célèbre journal américain estime que «justice a été rendue»
Le quotidien New York Daily News, l'un des plus lus aux Etats-Unis, s'est pour sa part fendu d'un article intitulé L'assassinat de l'ambassadeur russe Andrei Karlov n'était pas du terrorisme, mais un châtiment pour les crimes de guerre de Vladimir Poutine.
Dans celui-ci, le journaliste Gersh Kuntzman explique comprendre, pour ne pas dire cautionner, le meurtre du diplomate, qu'il considère être «le visage public de crimes de guerres meurtrier d'un dictateur».
«Personnellement, je ne verse pas de larme pour Andrei Karlov. Franchement, je suis surpris que son meurtre ne soit pas survenu plus tôt [...] Justice a été rendue», écrit-il.
Le journaliste va même jusqu'à établir un parallèle entre le sort du défunt diplomate et celui d'un ambassadeur nazi : «En regardant la mort de Karlov, je n'ai pas pu m'empêcher de me souvenir du cas d'Ernst vom Rath, l'ambassadeur nazi en France, qui a été abattu dans son consulat par un étudiant juif en 1938.»
Versant dans une sorte d'héroïsme à l'égard du terroriste turc, Kuntzman insiste : le diplomate russe n'était pas réellement un diplomate, mais un soldat, tué «non pas par un terroriste, j'insiste, mais par un autre soldat». Et il conclut : «L'Histoire innocentera-t-elle Mevlut Mert Altintas, l'assassin de Karlov ? C'est à l'Histoire de juger. Mais elle a innocenté Grynszpan [l'étudiant juif ayant abattu l'ambassadeur nazi], et en effet, innocenté d'autres qui se sont battus contre l'agression et pour la liberté.»
Lundi 19 décembre, l'ambassadeur de Russie en Turquie a été pris pour cible par un tireur armé alors qu'il inaugurait une exposition de photographies à Ankara intitulée La Russie dans les yeux des Turcs. Grièvement blessé, le diplomate n'a pas pu être conduit à l'hôpital et a succombé à ses blessures.