Alexis Tsipras tient bon et menace. A en croire son entretien du jour dans le Corriere della Sera, c’est le sort de la zone euro toute entière qui se joue : «Si la Grèce fait faillite, les marchés iront immédiatement chercher une autre proie», a-t-il alerté. Selon lui, «ce serait le début de la fin». Il se veut cependant optimiste et estime qu’un accord est «très proche». Mais prévient qu’il ne veut pas entendre parler de «la suppression des retraites pour les plus faibles et des allocations».
Lors du G7, Angela Merkel a mis à nouveau la pression sur la Grèce : «Nous voulons que la Grèce reste membre de la zone euro mais nous adoptons la position claire selon laquelle la solidarité avec la Grèce exige que la Grèce fasse des propositions et applique des réformes.»
Alexis Tsipras négocie depuis une semaine avec les créanciers afin d’obtenir le versement de 7,2 milliards d’euros du FMI, de la Banque Centrale Européenne et de l’UE. Une bouffée d’air financière qui devient vitale pour la Grèce. En proie à une grave crise de liquidité de son secteur bancaire, Athènes est engagée dans un contre-la-montre décisif pour l’avenir du pays.
L’octroi de cette nouvelle tranche d’aide est suspendue à la mise en place de réformes difficiles. Problème, Alexis Tsipras, leader du mouvement Syriza, a été élu au mois de janvier sur la promesse de mettre un terme aux plans d’austérité. C’est ce qui rend l'équation si difficile.
Proposition, contre-proposition et… déception
Acculée par ses créanciers, la Grèce fait front et a fait parvenir aujourd’hui de nouvelles mesures. Une contre-proposition qui ne satisfait apparemment pas ses interlocuteurs. Selon l’AFP, un responsable européen aurait déclaré : «Ce qui nous a été présenté n’est pas suffisant pour faire avancer le processus.» Pire, les avis semblent converger dans le même sens. «Je dirais que ce n’est pas suffisant et pas acceptable par les Etats membres», a renchéri un autre officiel. Les créanciers accepteraient de prolonger le plan d’aide jusqu’à fin mars 2016 si, en contrepartie, Athènes s’engage à diminuer le montant des retraites, augmenter les impôts et mettre en place d’autres mesures d’austérité.
La nouvelle résolution grecque intervient à la suite d’une âpre semaine de négociation. Avant ce nouveau point d’achoppement, le gouvernement de gauche radicale de Tsipras avait présenté un document de 47 pages. Il contenait de nombreuses concessions quant aux engagements de campagne du leader de Syriza.
Pourtant, les créanciers avaient jugé ce plan décevant. En présentant à la Grèce une nouvelle mouture, rédigée sur cinq pages, la Troïka (UE, BCE, FMI) a de nouveau mis la pression sur Athènes. Alexis Tsipras n’a pas cédé. A la tête d’un pays sous perfusion depuis 2010, il est décidé à tenter le tout pour le tout.
Vendredi dernier, devant le parlement, le Premier ministre grec avait jugé «les propositions soumises par les institutions clairement irréalistes». Il avait même provoqué ses débiteurs avec cette diatribe : «Jamais je n'aurais pu croire, surtout, que des responsables politiques, et non des technocrates, échoueraient à comprendre qu'au bout de cinq années d'austérité dévastatrice il ne se trouverait pas un seul député grec pour voter, dans cette enceinte, l'abrogation de l'allocation accordée aux retraités les plus modestes ou l'augmentation de 10 points de la TVA sur le courant électrique.»
Un besoin urgent de liquidité
La Grèce est exsangue. Avec des caisses vides, les Hellènes doivent rembourser à la fin du mois de juin 1,6 milliards d’euros au FMI tout en assurant le financement courant du pays. Une dette qui avoisine les 180% du PIB, un chômage autour des 30% et des taux d’intérêts prohibitifs sur les marchés. Voici le tableau noir avec lequel doit compter Tsipras. Ayant rejoint la zone euro en 2001, la Grèce n’est plus en capacité de frapper sa propre monnaie, ce qui limite les marges de manoeuvres. Les taux d’intérêts fixés sur les marchés financiers se mesurant au risque, Athènes ne peut se tourner vers cette option. En dehors des plans d’aide de la Troïka, dont les deux premiers se chiffrent à 240 milliards d’euros, la Grèce bénéficie du mécanisme de financement d’urgence de la BCE (Emergency liquidity assistance).
Avant l’arrivée de Syriza au pouvoir, les banques grecques pouvaient se fournir en liquidité auprès de la BCE par la procédure normale. Elles devaient simplement apporter en garantie les obligations de l’Etat qu’elles détiennent. A l’exception près que les obligations grecques n’avaient pas le niveau de sécurité exigé d’ordinaire par la BCE. Un passe-droit qui a pris fin lors de l’arrivée de Tsipras au pouvoir. Depuis, la BCE a relevé à plusieurs reprises le plafond de ce plan d’aide, seule source de financement des banques d’Athènes. Mais cela ne suffit plus. La Grèce est dans une fuite en avant.
Une situation d’urgence qui pousse les parties à trouver un accord au plus vite.