«Au nom des Nations unies, je vais vous le dire très clairement : nous nous excusons auprès du peuple haïtien», a déclaré le secrétaire général Ban Ki-moon, successivement en créole, français et anglais, devant l'assemblée générale des Nations unies.
«Nous n'avons pas fait assez concernant l'épidémie de choléra et sa propagation [...] Nous sommes profondément désolés pour notre rôle», a-t-il ajouté.
Selon de nombreux experts indépendants, le choléra a été introduit en Haïti par des Casques bleus népalais de la Mission de l'ONU sur place (Minustah) qui ont déversé leurs déchets dans une rivière.
Malgré ces excuses, l'organisation internationale maintient qu'elle n'a pas de responsabilité légale dans cette affaire. «Nous n'avons pas changé notre position juridique», a ainsi expliqué à la presse le vice-secrétaire général Jan Eliasson.
Ban Ki-moon a répété que l'ONU avait une «responsabilité morale d'agir». Il a reconnu que cette contamination avait jeté une ombre sur les relations entre l'ONU et Haïti et avait terni la réputation des Casques bleus.
Il a présenté formellement à l'assemblée un plan pour aider les familles des victimes de l'épidémie et mieux lutter contre la maladie. Celle-ci a déjà contaminé 800 000 personnes et 9 000 en sont mortes depuis octobre 2010. Pour cette «nouvelle approche», l'ONU espère mobiliser 400 millions de dollars sur deux ans mais l'argent tarde à venir.
Ban Ki-moon a lancé un appel pressant aux donateurs pour financer ces mesures. «Sur l'échelle des besoins humanitaires mondiaux, les sommes nécessaires pour éliminer le choléra en Haïti sont faibles», a-t-il plaidé. «Cette mission est réaliste et réalisable».
Question de crédibilité
Depuis le déclenchement de l'épidémie et les accusations contre leurs Casques bleus, les Nations unies ont toujours invoqué l’immunité diplomatique accordée à leurs missions. Celle-ci a été confirmée par des tribunaux américains, saisis par les avocats de victimes qui réclament des centaines de millions de dollars d'indemnités.
Lever l'immunité mettrait en péril les opérations de maintien de la paix, a affirmé Jan Eliasson en refusant «d'ouvrir les vannes». «Ce sont de véritables excuses», a-t-il affirmé, et Ban Ki-moon «voulait le faire avant de terminer son mandat» dans un mois.
Philip Alston, rapporteur spécial de l'ONU sur l'extrême pauvreté et les droits de l'homme, estimait récemment que la position de l'ONU était intenable et «affaiblissait sa crédibilité», dénonçant une «chape de silence».
En août dernier, l'ONU avait reconnu pour la première fois son «implication dans le foyer initial» de l'épidémie et promis une «aide matérielle» aux Haïtiens.
Ban Ki-moon a confirmé que deux programmes étaient prévus, chacun pour 200 millions de dollars.
L'un vise à intensifier la lutte contre l'épidémie, qui reprend de l'ampleur après le passage dévastateur de l'ouragan Matthew en octobre, et l'autre à améliorer les infrastructures sanitaires insuffisantes du pays. Ainsi, seul un quart des Haïtiens ont accès à des toilettes décentes et la moitié à l'eau potable.
L'autre volet comprend des mesures pour aider en priorité les victimes du choléra et leurs familles. Il s'agit surtout de financer des projets en leur faveur menés par des communautés locales : soins de santé, micro-crédits, bourses d'études, etc.
L'ONU a envisagé de verser directement de l'argent pour chaque décès. Mais il est difficile de recenser et d'identifier toutes les victimes directes du choléra faute de statistiques et d'état-civil fiables.
«L'approche communautaire est préférable» a estimé Jan Eliasson. «Les versements individuels sont compliqués».
Les Nations unies ont déjà rassemblé 18 millions de dollars pour la lutte contre l'épidémie et 132 millions pour l'assainissement. Mais pour l'aide directe aux victimes, la récolte est jusqu'ici beaucoup plus maigre et les modalités encore floues.