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Président Trump : après le choc et la sidération, la presse repart à l'attaque

L'élection surprise du tonitruant Donald Trump semble avoir pris de court de nombreuses rédactions dans le monde. Ebranlés par le séisme, les éditorialistes ne retiennent plus leur plume. Même le très «neutre» Le Monde ne mâche plus ses mots du tout.

Le temps de la stupeur passé, les journaux se sont ressaisis et ont commencé à réagir à l'élection de l'OVNI politique qu'est Donald Trump. La presse, souvent très critique à l'égard du nouveau président élu, tente de donner du sens à un événement qui paraissait largement improbable il y a quelques mois seulement.

Et, au-delà de l'homme, souvent dépeint comme un personnage détestable, les médias se mettent en quête des responsables : au mieux les élites et les analystes qui n'ont rien vu venir, et, au pire, les électeurs eux-mêmes, lesquels semblent ne pas mériter le système démocratique que ces élites leur octroient : xénophobes, peureux et crédules, tel est désormais le peuple américain pour les grands journaux, peuple qui, naguère intelligent et éclairé – à en croire les éditorialistes – avait élu le premier président noir de leur Histoire.

Ces mêmes journalistes, qui guettaient chaque faux-pas de Donald Trump, chaque petite phrase, toujours plus importante que les lourds soupçons pesant sur la candidate démocrate, sont désormais renvoyés à un examen de conscience et un vague sentiment de culpabilité. En résumé : «Comment cela a-t-il pu arriver ?», comme s'interroge ainsi le quotidien allemand Die Welt.

Le Monde : La colère et la «rage protestataire» l'a emporté

Pour le directeur du Monde, l'élection de Donald Trump bouscule les «élites traditionnelles». «La colère a gagné, la rage protestataire l'a emporté. Un milliardaire douteux, qui ne paye pas d'impôts depuis vingt ans, ment comme un arracheur de dents, flirte ouvertement avec le racisme, la xénophobie et le sexisme [...] a su la capter», s'indigne Jérôme Fenoglio, qui signe un éditorial au vitriol contre Donald Trump.

Et de s'en prendre au pays même, qui vient d'«adouber un promoteur immoblier». «Tel est le fond de l'air dans l'ensemble de nos pays occidentaux», s'inquiète-t-il. «Comme le 11 septembre 2001, cet événement ouvre sur un nouveau monde», présage-t-il encore.

Libération : «La première puissance mondiale est désormais aux mains de l'extrême droite»

Même son de cloche à Libération qui pointe immédiatement du doigt les électeurs : «La moitié des Américains a voté, en toute conscience, pour un candidat raciste, menteur, sexiste, vulgaire, haineux», écrit Johan Hufnagel pour qui les partisans de Trump seraient en «grande majorité des hommes blancs, issus d'une classe moyenne en plein désarroi». Ces derniers auraient voté pour Donald Trump, non pas sur le programme du candidat républicain mais parce que la peur du déclassement et la crainte de devenir minoritaires dans une société multiculturelle les y ont poussé. Et, logiquement, Hillary Clinton, «une femme, une libérale», ne pouvait qu'effrayer ces électeurs réactionnaires.

Le Figaro : Après avoir ri de l'impensable, les élites ont la gueule de bois

Dans les colonnes du plus ancien quotidien français, plus à droite, moins critique et plus nuancé, Arnaud de La Grange fait le constat d'une classe ouvrière et moyenne en souffrance, inquiète de son déclin, de la mondialisation, du multiculturalisme, de l'immigration massive. Une communauté, blanche souvent, à son tour ghettoïsée. Mais l'éditorialiste pense avoir trouvé les responsables : les médias , qu'il accuse de caricature mais les élites également. «Après avoir ri de l'impensable, elles se sont effrayées de l'impossible», conclut-t-il.

La presse étrangère contre-attaque aussi

Au Royaume-Uni, pays des tabloïds, la presse accable le futur président républicain. «W.T.F» [What the f**k], titre ainsi le Daily Telegraph, afin de souligner le surréalisme d'une situation qui, à ses yeux, semble échapper à toute logique.

Toujours dans la veine de la dissonance cognitive, face à un événement qui ne cadre pas avec la réalité attendue, le Journal de Montréal en perd même son français et titre : Oh my God !.

Le quotidien new-yorkais le Daily News fait lui dans le film d'épouvante et rebaptise la Maison-Blanche, la Maison de l'horreur.

Alexandre Keller

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