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La justice espagnole lève l'interdiction des corridas en Catalogne et suscite la colère

La Cour constitutionnelle espagnole a annulé jeudi 20 octobre l'interdiction des corridas en vigueur depuis quatre ans en Catalogne, une décision sans précédent suscitant la colère de militants de la cause animale et des indépendantistes catalans.

La Cour estime qu'en réglementant ces spectacles la Catalogne a porté atteinte à la compétence de l'Etat en matière de préservation du patrimoine culturel commun dont font partie les corridas de taureaux, a expliqué son service de presse dans un communiqué.

Trois des douze membres de la Cour ont refusé de suivre la majorité jugée conservatrice des magistrats qui la composent.

Le tribunal - qui avait été saisi par des élus conservateurs du Parti populaire (PP), au pouvoir en Espagne - explique que l'Etat détient une compétence exclusive en matière de défense du patrimoine culturel et artistique du pays. 

Or, la corrida fait partie du patrimoine culturel immatériel de l'Espagne depuis 2015.

La présidente du PP en Catalogne, Alicia Sanchez Camacho, s'est aussitôt félicitée de cette décision en annonçant : «Nous continuerons à défendre la liberté et la fête nationale.»

Les militants des droits des animaux en colère...

«La campagne ayant pour but d'en finir avec la tauromachie continuera», a au contraire réagi une représentante du Parti animaliste contre la maltraitance des animaux (Pacma), Ana Bayle, jointe par l'AFP, qui voit dans cette décision «un grand malheur».

L'interdiction des corridas avait été décidée le 28 juillet 2010 par le Parlement catalan, après une initiative législative populaire qui avait recueilli 180 000 signatures, et était entrée en vigueur le 1er janvier 2012.

...Et ils ne sont pas les seuls

Outre les militants anti-corrida, la décision est également perçue comme une claque pour les indépendantistes catalans.

«Dans l'Etat espagnol, interdire la torture et l'assassinat d'un animal en public est anticonstitutionnel. Tout est dit», a réagi le député Gabriel Rufian, du parti indépendantiste Gauche républicaine de Catalogne (ERC). 

«La Cour constitutionnelle annule le XXIe siècle», a aussi lancé avec ironie un membre de l'exécutif indépendantiste catalan, Raul Romeva.

En 2010, la Cour avait déjà annulé une partie du nouveau statut de la Catalogne adopté en 2006, qui lui conférait une autonomie élargie. Depuis la fièvre indépendantiste n'a cessé de monter dans cette région qui compte 7,5 millions d'habitants.

Le débat sur la tauromachie a divisé et passionné la Catalogne et bien au-delà.

En 2010, le Parlement catalan avait même fait entendre la voix d'un scientifique, Jorge Wagensberg, sur la réalité de la souffrance du taureau. Tel un expert judiciaire dans un procès pour meurtre, il avait exhibé devant les députés chacun des instruments utilisés par le matador pour la mise à mort. 

Le débat sur cette pratique controversée dépasse néanmoins la lutte pour la reconnaissance des droits des animaux. Pour la porte-parole du Pacma, «Le tribunal a utilisé les animaux dans une guerre politique».