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Funérailles nationales pour Thomas Sankara ?

L’avocat de la famille Sankara a déclaré que l’ancien leader burkinabé devait être enterré comme un héros national au lendemain de l’exhumation de ses restes présumés.

«Sankara doit maintenant être enterré avec les honneurs en tant que héros national». Ces paroles sont celles de Me Bénéwendé Stanislas Sankara avocat de la famille de l’ancien chef d’état du Burkina Faso.

S’il n’a aucun lien de parenté avec son illustre homonyme, il est le leader du principal mouvement sankariste du pays. Celui qui sera candidat à l’élection présidentielle du 11 octobre prochain a assisté en personne à l’exhumation conduite au cimetière de Dagnoën à Ouagadougou depuis lundi. Destinée à établir les circonstances de la mort de Thomas Sankara le 15 octobre 1987, l’opération aurait permis de mettre la main sur la dépouille dans la journée de mardi.

Une enquête que l’on attendait plus

Les tombes de Dagnoën ont pu être ouvertes dans le cadre de l’enquête lancée le 25 mars dernier à l’initiative du Premier ministre du gouvernement de transition, Isaac Yacouba Zida. Depuis l’assassinat de Sankara par un commando militaire, sa famille n’a eu de cesse de demander que la justice fasse la lumière sur cet évènement. Une volonté annihilée durant 27 ans par le successeur et ex-camarade de combat de Sankara, Blaise Compaoré. Celui que Zida définit comme étant «au minimum» un personnage central de l’affaire Sankara, s’est vu renversé du pouvoir le 31 octobre 2014 après une révolte populaire.

De retour au pays pour la seconde fois seulement depuis 1987, la veuve de l’ancien président, Mariam Sankara, a été auditionnée le 19 mai durant huit heures. Elle a indiqué être «revenue sur toute l’histoire» et «espérer que la justice fasse son travail». A l’origine de la seule plainte déposée dans ce dossier, elle reste cependant «vigilante». Pour Mariam Sankara, l'exhumation du corps n’est qu’une étape du processus judiciaire.

Une mort qui déchaîne les passions… et les théories

Véritable icône de l’anti-impérialisme et du panafricanisme, l’aura de Thomas Sankara est encore très présente. Il mena la révolution qui le porta au pouvoir en août 1983. Devenu dirigeant de la Haute-Volta, il fit changer le nom du pays, issu de la colonisation française, en Burkina Faso qui signifie «pays des hommes intègres». Durant son passage à la tête du pays, il entreprit de nombreuses réformes dans les domaines de l’éducation et de l’agriculture.

Souhaitant faire bouger la société burkinabaise en sapant le pouvoir des chefs de tribus et en améliorant le statut des femmes, Sankara était également un fervent partisan de l’émancipation de son pays. Très critique vis à vis de ce qu’il considérait comme «l’asservissement par la dette» des nations du tiers monde, il menait une politique d’accroissement de la production locale.

Ses idées politiques ont contribué à faire circuler de nombreuses théories sur sa mort. Si son ancien frère d’armes, Blaise Compaoré, est souvent accusé de l’avoir trahi et fait assassiner pour prendre le pouvoir, la famille Sankara prétend qu’il n’aurait pas agi seul. Certains historiens africains considèrent que la France de François Mitterrand et ses alliés africains ont joué un rôle dans le renversement et le meurtre du leader. Selon eux, la politique émancipatrice du Burkina Faso aurait porté préjudice aux intérêts de la France dans leur ancienne colonie. Raison pour laquelle l’Elysée aurait souhaité mettre un terme à la présidence de Sankara, en soutenant Compaoré. Jusqu’ici, aucune preuve d’une complicité de la France ou d’autres nations africaines dans cet événement n’a été apportée. Presque 28 ans après sa mort, «Thom Sank» n’a pas fini de faire parler.