International

MSF au sujet des frappes saoudiennes sur ses hôpitaux au Yémen : «Un mépris total de la vie civile»

A la veille d’une réunion du Conseil de sécurité de l’ONU sur la protection des missions médicales, l’organisation Médecins Sans Frontières a publié un rapport révélant de nouveaux détails sur les frappes saoudiennes contre ses hôpitaux au Yémen.

Le rapport publié par MSF a révélé de nouveaux détails sur les frappes aériennes saoudiennes contre ses hôpitaux à Taiz le 2 décembre 2015 et à Abs le 15 août 2016. Le texte a conclu qu’il n’y avait «aucune raison légitime de les attaquer» et qu’il s'agissait là de «mépris total pour la vie civile». Le document souligne aussi que les deux hôpitaux fonctionnaient conformément aux lois internationales et que «leur neutralité n’avait pas été compromise».

Après l’attaque de l’hôpital d'Abs en août 2016, MSF a suspendu ses activités dans six hôpitaux dans le nord du Yémen, notant que les Saoudiens ne pouvaient fournir aucune garantie que les hôpitaux de l’ONG ne seraient plus pris pour cibles.

Le document est publié à la veille d’une réunion à huis clos du Conseil de sécurité de l’ONU sur la protection des missions médicales qui doit se tenir le 28 août. MSF a appelé les membres du Conseil de sécurité «à prendre des mesures décisives et pratiques» lors de cette rencontre pour que 2016 soit la dernière année où des hôpitaux sont bombardés alors que «le monde observe en silence».

«L’hôpital de Taiz se trouvait dans un champ vide»

L’hôpital de MSF pour les mères et leurs enfants n’avait été ouvert qu’un mois avant la frappe, en novembre 2015. Selon le rapport, cette clinique mobile de MSF avait été placée dans un champ abandonné, un endroit qualifié de sauf par l’ONG car aucune cible militaire potentielle ne se trouvait à proximité. «De plus, il n’y a pas eu de frappes aériennes ni de combats dans la région durant les mois qui ont précédé l’installation de la clinique», précise le document.

MSF avait en outre donné les coordonnées de la clinique à la coalition dirigée par l’Arabie saoudite le 29 novembre. Enfin, la tente de 6 mètres sur 5 était blanche avec un drapeau de 2 mètres sur 3 du logo de MSF. Le 2 décembre, quand les frappes aériennes ont commencé à quelques kilomètres de l’hôpital, des employés de MSF ont redonné les coordonnées de l’installation médicale à la coalition. Mais une heure après, la clinique a été bombardée et neuf personnes ont été blessées.

«L’attaque sur l’hôpital à Abs est injustifiée et non provoquée»

A Abs, l’attaque sur l’hôpital a fait plus de dégâts. 19 personnes sont mortes, 24 autres ont été blessées. Au moment de l’attaque, il y avait 60 patients et 13 nouveau-nés dans la clinique, précise le document.

Toutes les parties prenantes au conflit yéménite avaient été informées de la localisation de l’hôpital. La dernière communication des coordonnées avait été faite cinq jours avant l’attaque, le 10 août. De plus, le logo de MSF avait été peint sur le toit des immeubles et sur la porte d’entrée.

La frappe aurait eu pour cible une voiture qui est entrée sur le territoire de l’hôpital cinq minutes avant que les bombes ne fassent leur travail de destruction. Ce qui n’autorise pas pour autant la coalition à frapper un hôpital, souligne le rapport.

Dans ce document, MSF a qualifié cette attaque d’«injustifiée» et de «non provoquée». «Quelle que soit la cible de la frappe : l’hôpital ou la voiture, l’attaque était illégale», conclut le document.

Des frappes dénoncées par l’ONU et Amnesty International

Les bombardements des hôpitaux avaient suscité des condamnations diverses, tant de la part des Nations unies, que de celle d'organisations de défense des droits de l’homme. Après l’attaque de l’hôpital d'Abs, le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon l’avait qualifiée de «sérieuse violation du droit humanitaire international» et demandé une enquête indépendante. Amnesty international avait pour sa part condamné l’attaque en la qualifiant d’«affront à l’humanité», indiquant au passage qu’une bombe de fabrication américaine avait été utilisée. L’organisation avait à cette occasion appelé à décréter un embargo total sur les armes qui pourraient être utilisées dans le conflit au Yémen.

Une résolution de l'ONU inutile ?

MSF déplore aussi dans son rapport que la résolution 2 286 du Conseil de sécurité de l’ONU, adoptée en mai dernier et qui condamne les attaques contre des installations médicales dans des pays en proie à des conflits armés, n’ait pas débouché sur des mesures «concrètes ou visibles».