L’exposition de Jock Sturges intitulée «Absence de honte» qui s'est tenue dans le Centre de photographie des frères Lumière à Moscou a provoqué un véritable tollé dans la société russe. Et même de l'agressivité. Le dimanche 25 septembre, un homme est entré dans le bâtiment en se faisant passer pour un journaliste et a aspergé d'urine plusieurs photos, avant d'être arrêté pour hooliganisme.
Et ce malgré la présence d'activistes du mouvement «Officiers de la Russie», qui ont plus tôt dans la journée encerclé la galerie, ne laissant entrer personne. Réunissant d’anciens et actuels membres de l'armée russe, cette association entend défendre les valeurs traditionnelles du pays et contribuer à la création d'un système de sécurité en Russie. Ses représentants présents sur place ont déclaré que le contenu de l’exposition relevait de la «pédophilie».
L’exposition photographique a attiré l’attention de ces militants une semaine après son ouverture. Selon le chef de l’association conservatrice, Anton Tsvetkov, l’organisation a reçu «un grand nombre de plaintes de la part de citoyens indignés». Après des négociations avec les activistes des Officiers de la Russie, le Centre des frères Lumière a accepté de mettre un terme à cette exposition controversée. «Nous nous sommes mis d’accord avec le Centre, ils vont répondre favorablement à notre requête et terminer l’exposition», a déclaré Anton Tsvetkov.
La propriétaire du Centre de la photographie, Natalia Grigorieva, a déclaré que la galerie a été fermée pour éviter des incidents en raison du «comportement inadéquat» d'éléments isolés. Elle affirme avoir reçu des menaces de la part d'inconnus.
Appels de hauts responsables à fermer l'exposition
Mais le scandale a pris de l'ampleur, allant jusqu'à susciter des réactions au parlement russe. Ainsi, la députée Elena Mizoulina, connue comme étant l'instigatrice de la loi fédérale interdisant la propagande gay pour les mineurs, a immédiatement appelé à fermer la galerie. «Le fait d'ouvrir une telle exposition en Russie suscite l’indignation. Cette exposition est une exhibition publique de matériaux pédopornographiques, ce qui est interdit par la loi russe… L’exposition doit immédiatement être fermée !», indique son communiqué. La députée entend aussi appeler le parquet à mener une enquête, tout comme la déléguée aux droits de l'enfant Anna Kouznetsova, qui a qualifié l'exposition d’«effrayante».
Pornographie ou art ?
Toute cette polémique a provoqué de vives réactions dans la société russe, la scindant en deux parties. Tandis que pour certains ces photos ne sont qu'un exemple de «pornographie enfantine», pour d’autres elles sont de «l’art» et ne peuvent donc pas être censurées. Pour dénoncer la pression exercée sur la galerie et le deux poids deux mesures dans la perception de ce qu'est que l'art, le hashtag #Absencedehonte, du nom de l’exposition, a été créé.
Jock Sturges a réagi en se disant «triste», ajoutant que c’était la première fois qu'une de ses expositions connaissait un tel sort à l'étranger. Le photograpge, 69 ans, est devenu célèbre grâce à ses photos d'enfants et d'adolescents et leur famille, le plus souvent nus. Certains des modèles qu'il photographie n'ont que trois ans. Ses travaux ont également suscité la controverse aux Etats-Unis. Ainsi, dans les années 1990, des communes protestantes ont exigé de détruire des albums photo de Jock Sturges. A la même époque, l’Etat de l’Alabama a interdit ses travaux, jugeant qu'il s'agit de «photos d'individus de moins de 17 ans qui commettent des actions indécentes».