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«WARgrams» : comment la NSA a instrumentalisé la guerre contre le terrorisme pour gagner le monde

La publication de nouveaux documents jusque-là classifiés jette une lumière crue sur la façon dont la NSA envisageait son avenir dans les années 2000. Et ces documents présagent de l'ampleur des moyens de surveillance qui allaient être mis en œuvre.

Après huit ans d'attente et une requête invoquant la Loi pour la liberté d'information (Freedom of Information Act) déposée par Motherboard, l'un des médias en ligne du magazine Vice, l'Agence de sécurité nationale américaine (NSA) a finalement dû  se plier et consentir à publier des documents internes de 2003 et 2004, dont elle avait toujours nié l'existence. Des documents qui révèlent les ambitions de la NSA.

En 2003, alors que les Etats-Unis se lancent dans le deuxième épisode de la guerre en Irak, Michael Hayden, alors directeur de la NSA, décide de la création d'une newsletter, les WARgrams, «télégrammes de guerre», destinés à informer et surtout galvaniser les employés de l'agence de renseignement américaine.

Aussi, le chef de la NSA reprend à son compte les objectifs de guerre de son gouvernement, pour les transmettre aux troupes telles quels. Dans la toute première édition de la série, Michael Hayden rappelle ainsi que le but des Etats-Unis en Irak est de «renverser Saddam Hussein, débarrasser le pays des armes de destruction massives et créer les conditions d'une démocratie sous contrôle du peuple irakien».

Et si les premiers bulletins d'information ressemblent plus à des notes de service banales, ceux qui seront diffusés par la suite témoignent des grandes ambitions de l'agence fédérale qui entend profiter de la «guerre contre le terrorisme» – nom donné par le président George W. Bush aux campagnes militaires américaines lancées à l'échelle de la planète en prenant comme justification les attentats du 11 septembre 2001 – pour étendre son influence partout dans le monde.

La NSA gérée comme une multinationale privée

Ainsi, dans le WARgram numéro 27, Michael Hayden explique lui-même que la NSA n'est pas très différente d'une multinationale du secteur privé, qui, par nature, cherche à croître et gagner des marchés : «Nous avons géré la guerre en Irak comme une activité commerciale, avec le renseignement américain chargé de la coordination et de l'exécution. Et nos résultats sont étonnants», constate-t-il, tout en félicitant ses troupes.

Et, malgré de nombreux passages censurés, certaines références subsistent dans les documents qui laissent à penser que des unités secrètes étaient également présentes sur le champ de bataille. Le WARgram n°37 évoque, par exemple, une mystérieuse «brigade irakienne», brigade dont Michael Hayden estimait alors que l'expérience qu'elle avait acquise là-bas serait utile pour la NSA dans le futur. Un autre WARgram fait aussi état de forces spéciales déployées sur le terrain. Michael Hayden, avec un brin de fierté annonce ainsi à ses employés que l'entreprise pour laquelle ils travaillent est présente en Irak.

Mais, au fil des WARgrams, les considérations de son directeur ne se limitent plus seulement à l'Irak. Michael Hayden commence ainsi à évoquer une surveillance globale, prenant comme prétexte l'imminence d'une attaque sur le sol même des Etats-Unis. «Les Etats-Unis et leurs alliés restent des cibles tentantes pour les groupes terroristes. La menace concernant le territoire national est réelle et ce n'est qu'une question de temps», estime-t-il dans le bulletin n°61.

Ces documents viennent ainsi corroborer les informations classées top-secret que le lanceur d'alerte Edward Snowden, ancien employé de la NSA, a rendues publiques à partir de juin 2013. Des informations qui démontraient pour la première fois l'étendue des pouvoirs de l'agence de sécurité nationale, concernant la captation massive des métadonnées, des appels téléphoniques et des flux internet, y compris ceux des simples citoyens, au nom de la lutte contre le terrorisme.

Alexandre Keller

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