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«Une catastrophe nucléaire à retardement»: la Royal Navy lance une enquête sur un rapport WikiLeaks

La Royal Navy (Marine Royale) britannique a lancé une investigation suite aux déclarations du lanceur d’alerte William McNeilly qui a dévoilé de terribles failles de sécurité dans le programme nucléaire britannique Trident.

Les autorités du Royaume-Uni se disent «préoccupées de la localisation» du lanceur d’alerte de 25 ans, qui a disparu sans mot dire et a coopéré avec WikiLeaks pour la publication d’un rapport détaillé long de 18 pages baptisé «Secrets nucléaires».

William McNeilly, ingénieur d’armement, qui aurait servi de janvier à avril de cette année à bord de HMS Victorious, affirme qu’un nombre important de failles sécuritaires et techniques du porteur de missiles Trident rend vulnérable les forces de dissuasion nucléaire du Royaume-Uni face à des attaques terroristes qui seraient potentiellement capables de «tuer notre peuple et détruire notre pays».

Les possibles attaquants ont «une possibilité idéale de lancer des têtes nucléaires sur le Royaume-Uni», dit le rapport.

Dans ses révélations, McNeilly répertorie quelques 30 manquements aux règles de sécurité sur les sous-marins Trident qui sont basés sur la base de Clyde près de Faslane, en Ecosse. Le lanceur d’alerte a souligné la facilité pour des terroristes potentiels de s’infiltrer sur la base navale.

«Lors d’un briefing de sécurité sur la base, on nous a raconté que des milliers de cartes d’identité de marins de la Royal Navy disparaissent chaque année. Un terroriste peut alors les utiliser tels quels, ou s’en servir pour créer des faux, puis accéder facilement à l’intérieur du sous-marin. En considérant que les gardes jettent à peine un regard dessus à une distance de quelques mètres, les faux n’auraient même pas besoin d’être de grande qualité», explique McNeilly.

«Au moins une fois à chaque poste de contrôle, j’ai pu passer en montrant une carte de dortoir, voire rien du tout», a-t-il encore écrit.

Ce manquement à la sécurité n’était pas dû au fait que McNeilly faisait partie du personnel de la Royal Navy, mais parce que «c’était une procédure normale».

Un intrus pourrait emporter avec lui à l’intérieur de l’installation protégée n’importe quel appareil électronique pour voler des données hautement confidentielles, voire des armes et matières explosives, vu que selon McNeilly, les fournisseurs et leurs équipements ne sont presque jamais examinés.

A côté de failles de sécurité évidentes, l’ingénieur note un nombre de problèmes techniques, dont une fuite laissant entrer de l’eau de mer, un département des torpilles inondé et des toilettes défectueuses. Il est par ailleurs révélé que la salle des torpilles est utilisée en tant que gymnase.

«Il y avait beaucoup de petites étiquettes rouges sur l’équipement dans la plupart des compartiments où nous entrions. Je ne doute pas qu’un grand nombre d’entre eux signifiait un défaut à éliminer plutôt que la nécessité d’un entretien standard. Observer ainsi les conditions de sécurité et l’état de l’équipement m’a fait m’inquiéter pour la sécurité des gens», a-t-il écrit.

Ça en est rendu à un tel point que, selon McNeilly, n’importe quel «psychopathe» peut accéder relativement facilement aux installations nucléaires britanniques.  Dans son exposé, l’ingénieur raconte également que les essai de lancements de missile ont échoué à trois reprises, ce qui signifie que la réussite d’un lancement s’avèrerait impossible.

«Au final, ils mettent le public en danger et dépensent des milliards de l’argent des contribuables pour un système si déficient qu’il ne peut même pas passer les tests qui montrent qu’il fonctionne», écrit McNeilly.

Il a dit également que les autorités ont couvert une collision entre le sous-marin anglais HMS Vanguard avec le sous-marin nucléaire français Le Triomphant dans l’atlantique en février 2009. Dans son rapport, il cite un officier qui se trouvait sur HMS Vanguard à ce moment-là ; «Nous nous disions c’est fini, nous allons tous mourir».

La Royal Navy a entamé une enquête à partir de l’information citée dans le rapport de McNeilly, en appelant ces déclarations «subjectives et infondées», en ajoutant que les sous-marins «ne sortent pas en mer haute s’ils ne sont pas sûrs».

En reconnaissant que le rapport de McNeilly «ne présente aucun risque à notre personnel et à nos opérations», le ministère de la Défense travaille cependant conjointement avec la police en vue de le retrouver. La lanceur d’alerte qui est parti la semaine dernière et n’est pas revenu de permission, a admis que «la peine pour avoir publié ce rapport sera une réclusion à perpétuité si j’ai de la chance».

Quelques organisations écossaises de défense des droits civils ont salué l’acte courageux de l’ingénieur.

«Il doit être félicité pour ces agissements, pas harcelé par la Royal Navy. Il a révélé le fait que Trident est une catastrophe à retardement qui pourrait être déclenchée par un accident, un acte de terrorisme ou de sabotage», a dit John Ainslie, le coordinateur de la Campagne écossaise pour le désarmement nucléaire à The Herald.

A son tour, le leader du Parti national écossais, le député Angus Robertson a appelé la Royal Navy à s’expliquer et entamer une action en vue de rectifier les défauts répertoriés dans le rapport.