Des dizaines de mails ont été mis en ligne sur le site DCLeaks, et ils permettent de retracer une correspondance active de Philip Breedlove avec de nombreuses personnalités, et pas des moindres, concernant la situation en Ukraine après le coup d’Etat de février 2014 qui a renversé le gouvernement élu en faveur d’un régime soutenu par les Etats-Unis.
Philip Breedlove a été commandant suprême de l'OTAN entre mai 2013 et mars 2016. Dans la presse européenne, il est décrit comme un homme belliciste connu pour s'appuyer sur des alliés afin de contourner la diplomatie et adopter un rôle plus agressif contre les rebelles en Ukraine. En février dernier, Philip Breedlove avait qualifié la Russie de «menace existentielle de long terme pour les Etats-Unis et pour nos alliés européens».
Il apparaît à la lecture de ses courriels que le général correspond par exemple avec son prédécesseur à l'OTAN, le général Wesley Clark, ainsi qu'avec l'ancien secrétaire d'Etat, Colin Powell, resté célèbre pour sa fiole de pseudo-anthrax brandie devant l'Assemblée des Nations-unies, la responsable pour l'Europe de l'Est du département d’Etat, Victoria Nuland, et l’ambassadeur des Etats-Unis en Ukraine, Geoffrey Pyatt.
Une activité de lobbying frénétique pour influencer Barack Obama
L'étude de ces mails révèle que Philip Breedlove déploie une formidable énergie pour convaincre un Barack Obama voulant éviter toute escalade militaire que la Russie représente une menace pour l'Ukraine, pour l'Europe et même pour le monde. Il demande ainsi des conseils à Colin Powell pour infléchir la position d'apaisement du président américain.
«Je me trompe peut-être mais je ne vois pas cette Maison Blanche (WH) vraiment prête à collaborer avec l'Europe et l'OTAN [...] et se laisser entraîner dans un conflit [...] J'ai besoin de vos conseils sur deux sujets : comment trouver une fenêtre d'opportunité et deux, comment y travailler directement avec le président des Etats-Unis (POTUS)»
De fausses preuves de chars russes
Mais le commandant suprême ne se borne pas à tenter d'approcher Barack Obama pour l'influencer. Il s'active beaucoup pour mettre de l'huile sur le feu en Ukraine.
Selon Der Spiegel, Philip Breedlove a «étourdi» des dirigeant allemands avec une annonce surprise en 2015 selon laquelle des rebelles avaient «augmenté la mise» dans l’Est de l’Ukraine, après que «plus d’un millier de véhicules de combat, des groupes de combat russes, de la défense aérienne la plus sophistiquée et des bataillons de l’artillerie» ont été envoyés dans le Donbass, le centre du conflit.
Les chiffres assénés par Philip Breedlove étaient plus élevés que ceux des renseignements de l’OTAN et ont semblé exagérés aux yeux des responsables allemands. L’annonce s’est révélée être une provocation visant à perturber les efforts de médiation faits par la chancelière allemande Angela Merkel.
Emporté par son envie de convaincre que la Russie est une menace, il produit des éléments pour démontrer l'accumulation d'équipements militaires russes à la frontière, tels que des chars. Mais les photos sont celles de chars russes datant de 2008 ou de tanks en Ossétie, et non pas en Ukraine.
Les images de prétendues troupes russes avaient ainsi été transmises au Washington Free Beacon, un blog néo-conservateur américain qui les a ensuite diffusées, alimentant la rumeur de la présence des soldats russes en Ukraine.
Une guerre évitée de justesse ?
Washington a approuvé l’octroi d'une aide militaire «non-létale» s'élevant à des millions de dollars pour les troupes ukrainiennes, notamment «des bataillons de volontaires» notoires dans son budget militaire pour 2016.
Philip Bredlove a continué de pousser en faveur d'une participation américaine plus agressive, affirmant la présence d'importants contingents militaires en Ukraine que même les autorités de Kiev ont démentie.
En mars dernier, le général a déclaré aux députés américains que la Russie et la Syrie «armaient délibérément la migration pour tenter de submerger les structures européennes et d'affaiblir la fermeté européenne».
Le général Philip Breedlove a officiellement pris sa retraite militaire le 1er juin. Tout récemment, Philip Breedlove est apparu dans les actualités en expliquant qu’il pensait maintenant qu’il fallait parler au gouvernement russe pour résoudre le conflit en Ukraine. «Je pense que nous devons commencer un dialogue important», a-t-il déclaré la semaine dernière en réaffirmant sa conviction sur la nécessité d'avoir une Alliance forte pour rivaliser avec la Russie au niveau militaire. «La Russie comprend le pouvoir et la force et l’unité», a-t-il indiqué.
Alexandre Keller