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Le crash de l’avion de transport A400M à Séville met en danger le sort du projet

Le dernier incident avec l’Airbus A400M, qui s’était écrasé hier près de l’aéroport de Séville, a lourdement endommagé la réputation de l’avion dont l'utilisation a été arrêtée par plusieurs Etats européens.

L’A400M s’est écrasé une minute après son décollage à environ un kilomètre de l’usine de Coca-Cola. Selon les dernières informations, les autorités espagnoles ont annoncé avoir retrouvé les deux boîtes noires.

Son équipage de bord comprenait six membres, quatre d’entre eux ont péri tandis que deux autres ont été hospitalisés dans une condition critique. Dans le sillage de la catastrophe, les autorités espagnoles ont entamé une enquête et ont créé un bureau d’aide psychologique aux proches des victimes qui ont péri dans le crash.

Cet avion était encore en phase d’essai dans l’armée de l’air espagnole, son assemblage final a eu lieu à l’usine d’Airbus military dans la capitale andalouse. La réaction des clients d’Airbus ne s’est pas fait attendre. A la suite de l’incident, la Turquie a arrêté l’utilisation des deux A400M en service dans son armée de l’air. Le destin des deux appareils supplémentaires commandés par Ankara reste inconnu.

En Europe, même les Etats actionnaires d’Airbus ont renoncé à faire confiance à l’A400-M. L’Allemagne, samedi, a annoncé sa décision d'immobiliser son seul avion militaire A400M jusqu’à ce que les résultats de l’enquête soient pas publiés, même son de cloche au ministère de la Défense britannique qui possède deux modèles.

Seule la France, principale actionnaire d’EADS, a annoncé qu'elle continuerait à se servir de sa flotte de six A400M, déjà utilisés dans plusieurs opérations extérieures. Le ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian a toutefois précisé que seuls les vols «extrêmement prioritaires en opérations» des avions de transport militaires de l'armée française seraient autorisés, dans l'attente des résultats de l'enquête.

L’avion de malheur

Dès le début du programme militaire européen, la construction de l’A400-M s’est heurtée à de nombreux problèmes financiers, techniques et politiques. Le crash de l'A400M en Espagne intervient à un moment «critique» pour le sort de l’avion qui a traversé une période difficile.

Le programme a éprouvé beaucoup de retards. Le premier A400M n'a été mis en service qu'en 2013, soit quatre ans après la date prévue initialement. En outre, le coût du programme a atteint 28 milliards d’euros, ce qui fait 8 milliards de plus si l’on compare au prix initial.

De plus, les perspectives de l’avion avait été noircies par des problèmes politiques relativement complexes. L’avion a été commandé à 174 exemplaires (au lieu de 180 initialement) par les sept pays qui ont lancé le programme (France, Allemagne, Royaume-Uni, Espagne, Luxembourg et Belgique) plus la Malaisie. L'Afrique du Sud et le Chili, qui figuraient dans la liste initiale des acheteurs, ont finalement annulé leurs commandes. Ensuite, après plusieurs reports de livraison, les clients mécontents ont commencé à perdre patience et à s’indigner de manière à provoquer la résignation des hauts responsables de la compagnie.

En plus, les avions A400M ont éprouvé beaucoup de problèmes techniques. L’Allemagne a été agacée par l’état technique de son premier A400M livré fin 2014: après inspection, il cumule «875 défauts», dont des gaines isolantes manquantes sur certains câbles électriques. Par conséquence, Berlin a décidé en février de bloquer un versement de 500 millions d'euros à Airbus.

Jean-Marc Nasr, directeur général d'Airbus Defence and Space (EADS) pour la France, avait déclaré en conférence de presse que l'année 2015 serait «l'année de montée en puissance de l'A400M». Le crash d’hier risque de porter un coup dur au groupe aéronautique européen.