L'incident est survenu alors que les députés s'apprêtaient à voter sur une motion qui limite le temps des débats sur le projet de loi C-14, sur l'assistance médicale au décès. Une vidéo montre la scène à la Chambre des communes, où un Justin impatient de procéder au vote se dirige vers le whip du Parti conservateur Gord Brown, qu’il saisit par le bras dans un excès de frustration, heurtant au passage du coude Ruth Ellen Brosseau du NPD (Nouveau Parti Démocratique) qui grimace de douleur sous le coup.
La députée de l’opposition a quitté la Chambre, affirmant que la douleur et la stupeur l’ont empêchée de participer au vote de la motion. «Je me tenais au centre, je parlais à des collègues. J'ai reçu un coup de coude dans la poitrine par le Premier ministre. C'était bouleversant. Alors j'ai quitté la Chambre pour aller m'asseoir dans l'antichambre. J'ai manqué le vote à cause de cela. Je voulais que ce qui est arrivé soit clair pour tous les députés».
Les partis de l’opposition comme le NPD et les Conservateurs ont bondi d’indignation et ont rapidement soulevé la question du privilège parlementaire, en soulignant que le comportement du jeune Premier ministre est indigne de sa fonction, puisqu’il a brusqué et intimidé une députée n’ayant pu exercer ses fonctions.
Pour sa part, l'ancien leader du gouvernement conservateur à la Chambre des communes, Peter Van Loan, dit avoir «été témoin qu'il [Justin Trudeau] a traversé la pièce, avec de la rage dans les yeux et sur le visage.» Le président de la Chambre a reconnu qu'il y avait à première vue une atteinte au privilège parlementaire et la question pourrait donc être étudiée par le comité permanent de la procédure de la Chambre des communes.
La tension était palpable entre le chef du NPD Thomas Mulcair et le Premier ministre, qui se sont retrouvés nez à nez. «Les choses dégénèrent en Chambre. Il a failli y avoir une altercation physique entre Mulcair et Trudeau», a écrit sur Twitter la chef du Parti vert, Elizabeth May.
Celle-ci a d'ailleurs souligné en Chambre que bien que le geste de M. Trudeau soit inadmissible, il fallait garder les choses en perspective et qu'il y avait vraiment des «manigances» pour tenter de retarder le vote. Un commentaire sur Twitter ironisait sur les proportions démesurées de l'incident, allant jusqu'à réclamer le bûcher !
Excuses du Premier ministre
Justin Trudeau, qui a déclaré dans un débat électoral l'automne dernier que la Canada devait adopter la tolérance zéro face à la misogynie et la violence faite aux femmes, a offert ses excuses personnelles à la députée Brosseau pour son comportement. Il a tenté de s'expliquer, pendant que les députés de l'opposition couvraient sa voix en vociférant des cris de protestation. «J'ai noté que le whip de l'opposition était limité dans ses mouvements alors j'ai décidé de l'aider personnellement à avancer, ce qui était, je le vois maintenant, un geste peu recommandable, et qui a résulté en un contact physique dans la Chambre qui, nous pouvons tous en convenir, était inacceptable. Et je m'excuse sans réserve.»
Plus tôt dans la journée, les libéraux ont fait savoir qu'ils voudraient modifier les règles de la Chambre des communes, afin de s'arroger le pouvoir de limiter les débats, la tenue de votes-surprises provoqués par les partis de l'opposition et de décider unilatéralement de la fin des travaux parlementaires. Ceci a cependant soulevé l'ire des partis d’opposition, qui voient là une manoeuvre visant à étouffer les débats démocratiques, alors que des enjeux de société sont débattus au Parlement.
Tel père, tel fils ?
Justin Trudeau n’a pas hérité que du nom de famille de son célèbre père Pierre Elliott, ancien Premier ministre du Canada, lui-même impulsif à plusieurs reprises contre des membres de la presse. En 1993, il avait frappé et craché sur l’humoriste Pierre Brassard devant les caméras, et sous les yeux de son fils Justin.