Déposé au printemps 2015, le projet de loi 59, visant à contrer les discours «haineux», est bloqué à l'étape de l'étude, article par article, au Parlement provincial.
Pour la députée du Parti Québécois, actuellement dans l'opposition, Agnès Maltais, le projet de loi 59 freinera la liberté d'expression : «L'autocensure existe déjà. La bataille que nous engageons est sérieuse. On est sur les fondements de la démocratie, la liberté d'expression.» Elle pense que le Code criminel offre déjà les protections nécessaires pour sanctionner les auteurs de discours haineux. Ce projet soulève en outre l'indignation de plusieurs citoyens du Québec sur les médias sociaux:
Le gouvernement n'est pas pressé
La ministre libérale de la Justice Stéphanie Vallée, initiatrice du projet de loi 59, se dit très patiente et n'entend pas forcer son adoption en bâillonnant l'opposition «parce qu'on parle de liberté d'expression», a-t-elle précisé.
Stéphanie Vallée n'entend donc pas retirer le projet de loi, dont l'objectif est de défendre les groupes vulnérables. «On a déposé une série d'amendements. Arrêtons de faire dire au projet de loi ce qu'il ne dit pas. Il n'interdit pas la satire ni la critique ; rire d'une religion, ce n'est pas du discours haineux», a plaidé la ministre.
Les humoristes dérangent-ils ?
Le débat fait pourtant rage au Québec. Principalement en raison des débordements de plusieurs humoristes comme Mike Ward, qui s’est moqué publiquement d’un handicapé, et ces derniers jours en raison de la polémique entourant la venue de Dieudonné au Québec, dont la tournée fut annulée après qu'il eut été refoulé à la frontière.
Sur son compte Twitter, il n'est pas étonnant de constater que Mike Ward se soit prononcé contre ce projet de loi.
Si la loi passe, un humoriste qui choisirait de présenter un numéro «dérangeant» pourrait faire l'objet d'une plainte anonyme, par exemple, de même que le tenancier de la salle de spectacle où il se produit. Un climat d'autocensure s'imposera, redoute la députée du parti Québécois Agnès Maltais.
«Le Parti libéral nous propose un régime de police de la pensée. Ce projet de loi permet à toute personne ou organisme, même s'il n'est pas visé directement par le discours, de porter plainte à la Commission des droits de la personne et de la jeunesse (CDPJ) pour qu'elle impose des amendes sévères», a soutenu la députée.
Les avocats Julius Grey et Julie Latour vont beaucoup plus loin sur le site lapresse.ca, estimant que cette loi ouvre une boîte de Pandore pour instaurer une «police de la pensée» au Québec. Et cela sous la supervision de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ).
Pour eux, c'est tout simple : le projet de loi 59 contient un arsenal de mesures liberticides pour punir le nouveau crime qu’il instaure, soit le blasphème civil. Qu’en sera-t-il dès lors de la possibilité de critiquer librement les religions, s'interrogent-ils.