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Un comédien allemand accuse Angela Merkel de le livrer à la justice pour satisfaire Erdogan

Le comédien Jan Böhmermann brise plusieurs semaines de silence en accusant la chancelière allemande Angela Merkel d'avoir cédé à la requête de la Turquie exigeant qu'il soit poursuivi à cause d'un poème insultant.

Jan Böhmermann est accusé d'avoir lu en public un poème diffamatoire à l'endroit du président turc Recep Tayyip Erdogan : installé devant un drapeau de la Turquie et sous un portrait du président Erdogan, le comédien avait lu ses vers, critiquant la Turquie pour réprimer les minorités, «piétiner les Kurdes» et «frapper les Chrétiens». Sa performance avait été diffusée par la chaine d'état ZDF en avril 2016. A défaut d'être soutenu par les élites politiques de son pays, le comédien voit les soutiens se multiplier sur les réseaux sociaux.

Un détail juridique a permis au président turc de demander à la chancelière allemande que le comédien soit poursuivi : le paragraphe 103 du code criminel allemand, concernant «les insultes contre les représentants de pays étrangers». Un paragraphe si peu remarqué que plusieurs avocats et politiciens d'expérience n'en avaient jamais entendu parler auparavant ! Angela Merkel a elle-même estimé que cette loi était inutile et qu'elle serait abrogée d'ici deux ans.

Merkel ignore la liberté d'expression

Le ministre des Affaires étrangères Frank-Walter Steinmeier et le ministre de la Justice Heiko Maas ont été contraints par la chancelière d'obtempérer et de poursuivre le comédien.

«Selon nous, cette poursuite n'aurait pas due être autorisée. Les liberté de presse, liberté d'expression et liberté artistique sont de grandes vertus qui doivent être protégées par notre constitution», a déclaré Steinmeier.

Pour l'opposition, l'affaire met en évidence la faiblesse de la chancelière dans le contexte des difficiles négociations pour trouver un accord entre l'Union Européenne et la Turquie sur la question des réfugiés. Angela Merkel a été l'un des principaux architectes de cet accord, mais le président Erdogan est regardé comme le grand bénéficiaire de ces négociations.

Le comédien Jan Böhmermann, lui, n'en démord pas : «La Chancelière ne doit pas jongler avec la liberté d'expression. Elle m'a mis en pièces et servi pour le thé» au président turc. Merkel ayant obtempéré pour laisser aux avocats et à la cour décider si Böhmermann avait effectivement insulté un chef d'Etat étranger avec son poème satyrique, Böhmermann attend de connaître son sort.