«Au lieu de se promener dans un camp de réfugiés, les leaders de l’UE doivent regarder le nouveau mur à la frontière turco-syrienne et les tentes de réfugiés qui sont bloqués de l’autre côté. Ils feraient aussi mieux d'aller dans un centre de détention pour les gens qui ont été expulsés de la Grèce. Ce qu’ils verront les fera penser à l'accord erroné qu’ils ont conclu avec la Turquie», a déclaré Judith Sunderland, directrice adjointe par interim de la division Europe et Asie centrale du Human Rights Watch (HRW).
Ce point de vue est également partagé par la directrice adjointe du programme Europe d'Amnesty International, Gauri van Gulik, qui souligne que les personnes incarcérées dans les centres de détention ne bénéficient quasiment d’aucune assistance juridique, disposent d’un accès limité à certains services et mesures de soutien et ne reçoivent presque aucune information sur leur statut actuel ni leur possible devenir.
«Angela Merkel et Donald Tusk ne doivent pas confondre les coups de com et la réalité. Les violations des droits des réfugiés en Turquie sont réelles, et pire encore, ils [Angela Merkel et Donald Tusk] en sont complices. Au lieu de blanchir la réputation de la Turquie, l’Europe doit s’occuper de ses propres obligations et réinstaller un grand nombre de réfugiés» , a-t-elle conclu.
Gauri van Gulik est persuadée qu’il est absurde de vouloir utiliser la Turquie en tant que «pays tiers sûr» car de nombreux réfugiés continuent de vivre dans des conditions épouvantables. Des centaines de milliers d'enfants syriens ne reçoivent aucun enseignement scolaire car ils sont obligés de travailler ainsi que leurs parents qui ne gagnent que 100 dollars par mois. «Certains réfugiés ont été renvoyés en Syrie et les forces de sécurité ont même tiré sur des Syriens qui tentaient de franchir la frontière», a-t-elle raconté.
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Le 23 avril, Angela Merkel, accompagnée du président du Conseil européen, Donald Tusk, et du vice-président de la Commission, Frans Timmermans, s’est rendue à Gaziantep, dans le sud de la Turquie, pour visiter un camp de réfugiés et évaluer la mise en œuvre de l’accord sur les migrants signé entre Bruxelles et Ankara il y a un mois.
Ils y ont été accueillis par un bouquet de fleurs et une banderole proclamant : «Bienvenue en Turquie, le pays qui accueille le plus de réfugiés au monde».
Les dirigeants européens et Ahmet Davutoglu ont ensuite inauguré sous les applaudissements un centre de protection accueillant des enfants syriens, construit avec des fonds européens.
Lors d'une conférence de presse conjointe à Gaziantep, le président du Conseil européen Donald Tusk a loué l'action de la Turquie, «le meilleur exemple, pour le monde, sur la manière dont nous devrions traiter les réfugiés», à rebours des critiques de nombreuses ONG.
D’après l'accord signé le 18 mars, Ankara s'est engagé à accepter le retour sur son sol de tous les migrants entrés illégalement en Grèce depuis son territoire à partir du 20 mars 2016. De plus, pour chaque réfugié syrien renvoyé en Turquie, un autre devra être «réinstallé» dans un pays européen, dans la limite de 72 000 places. En contrepartie, Bruxelles doit fournir à Ankara jusqu'à six milliards d'euros, relancer les discussions sur l'intégration de la Turquie à l'UE et accélérer le processus de libéralisation du régime de visas pour les Turcs qui souhaitent se rendre dans l'Union europénne.