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Invasion de sacs plastiques, les égouts et décharges débordent en Tunisie face au laisser-aller

Sacs en plastique qui bourgeonnent dans les arbres, bouteilles vides qui bouchent les égouts et décharges qui débordent : face à la dégradation de l'environnement en Tunisie, le gouvernement veut convaincre de sa volonté d'action.

Le Premier ministre Habib Essid l'a admis devant le Parlement : la situation environnementale s'est fortement détériorée ces dernières années, avec «des conséquences négatives sur la qualité de vie» des Tunisiens. Pour certains, cette dégradation s'explique surtout par la désorganisation des administrations à la suite du soulèvement populaire qui a mis fin en 2011 aux 23 années de «règne» de Zine El Abidine Ben Ali.

Un laisser-aller général

«L'environnement est la première victime de la révolution», affirme le militant écologiste Abdelmajid Dabbar. Ainsi, dans les municipalités, le ramassage des déchets ne se fait plus de façon efficiente. De simples «délégations spéciales» ont été constituées après la révolution pour gérer les affaires courantes. Aucune date n'a encore été fixée pour la tenue d'élections locales, qui pourraient se tenir au printemps 2017.

Cette situation provisoire favorise un laisser-aller général et le dépôt anarchique des déchets s'est généralisé, comme dans le centre de Tunis, où il est rare de déambuler sans tomber sur des amoncellements de détritus faisant le festin de chats errants. Si les administrations portent une part de responsabilité, «le citoyen est le premier responsable de la détérioration de la situation environnementale», accuse Abdelmajid Dabbar, cité par l'AFP.

Un milliard de sacs en plastique utilisé par an en Tunisie

En mars, des photos d'une pelouse d'un parc jonchée de détritus au soir d'un dimanche printanier ont circulé sur les réseaux sociaux, suscitant l'émoi. Chaque année, les 11 millions de Tunisiens produisent quelque 2,3 millions de tonnes de déchets ménagers et utilisent près d'un milliard de sacs en plastique non recyclables, selon des chiffres officiels.

Les autorités enfouissent 80% de ces déchets sur une quinzaine de sites répertoriés, le reste finissant dans des «décharges anarchiques», selon le ministère de l'Environnement. Les décharges arrivent en outre à leur capacité maximale d'absorption, et il est difficile de trouver de nouveaux terrains, ajoute-t-il.

En mars, le Parlement a amendé la loi pour durcir les sanctions contre le dépôt anarchique de déchets, désormais passible d'une peine de prison allant de 16 jours à trois mois et/ou d'une amende de 300 à 1 000 dinars (130 à 440 euros). Il y a peu, le ministre Néjib Derouiche a annoncé qu'un projet de loi interdisant la fabrication et la distribution des sacs plastique non recyclables serait présenté au Parlement, promettant «de lourdes amendes» aux contrevenants. Ces sacs menacent la vie de plusieurs espèces terrestres et marines, argue son ministère.

Des doutes sur la détermination des autorités

Mais ces promesses sont accueillies avec scepticisme car «des mesures similaires ont déjà été annoncées par le passé et sont restées lettre morte», relève Abdelmajid Dabbar, qui parle de «folklore». Les doutes sur la détermination des autorités s'expriment jusque dans la fonction publique. «Avec la succession d'attaques [djihadistes], la lutte antiterroriste est devenue la priorité de l'Etat. Les autres questions ne viennent qu'après», déplore une source ministérielle sous couvert d'anonymat.

Face au scepticisme ambiant, Abdelmajid Hamouda, directeur général de l'Agence nationale de gestion des déchets (Anged), qui dépend du ministère de l'Environnement, appelle à «appliquer sévèrement la loi». Mais il reconnaît que cela doit s'accompagner «d'une grande opération de sensibilisation» auprès des citoyens.

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