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Les conspirations russes visant l'Allemagne ont le vent en poupe outre-Rhin

La Russie mènerait une campagne pour «déstabiliser» l'Allemagne à la faveur de la crise migratoire, usant de ses médias et de la large communauté russo-allemande, selon les services de renseignement allemands cités par le quotidien populaire Bild.

Selon le journal le plus lu d'Allemagne paru ce jeudi 10 mars, le numéro deux du renseignement extérieur (BND), Guido Müller et le chef des services intérieurs Hans-Georg Maassen ont fait état de tentatives ciblées de la Russie visant à «déstabiliser l'Allemagne» lors d'une réunion avec des parlementaires.

Ces services se sont inquiétés en particulier «du haut potentiel de mobilisation» des quelque deux millions de Russes-Allemands d'Allemagne via notamment les associations de cette communauté. «Les chefs des services secrets ont expliqué que le gouvernement russe utilise les médias d'Etat de manière ciblée pour discréditer le gouvernement allemand», relate encore Bild.

Le cas le plus marquant a été la large place accordée en janvier par les médias russes au prétendu viol par des migrants d'une adolescente russo-allemande, que le ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov avait utilisé pour vertement critiquer l'Allemagne. La jeune fille avait ensuite avoué avoir inventé l'histoire, elle avait en réalité passé la nuit chez un ami. Dans l'intervalle, des manifestations de Russes-Allemands avaient mobilisé des centaines de personnes.

Le journal cite aussi des interviews largement diffusées en Russie citant des personnes étant retournées vivre en Russie «car l'Allemagne n'est plus sûre à cause des réfugiés». Le pays a accueilli 1,1 million demandeurs d'asile en 2015.

Un putsch russe pour renverser Angela Merkel ?

Mais ces «révélations» accusatrices ne sont que les dernières d'une longue série. La semaine dernière, Janis Sarts, chef du Centre d'excellence de l'OTAN pour la communication stratégique basé à Riga, en Lettonie, avait fait sensation en laissant entendre que la Russie essaierait de renverser la chancelière allemande, Angela Merkel, en s’appuyant sur la crise migratoire qui alimente le mécontentement des Allemands.

«Je pense qu’ils essaient de voir si, en exerçant leur influence sur un grand pays qui n’est pas très vulnérable en temps normal, ils sont en mesure de créer des circonstances qui amènent à un changement de gouvernement. Ils utilisent les russophones, les réseaux sociaux… Ils essaient de jouer sur les failles existantes, d’utiliser une narration d’extrême droite et en profitent», avait affirmé Janis Sarts, en soulignant qu’il parlait en tant qu’expert et non en tant que porte-parole de l’OTAN.

Le directeur du Centre d’excellence de l’OTAN a aussi accusé les autorités russes de financer les partis extrémistes de différents pays d’Europe. «De façon générale, vous pouvez retracer le financement russe des forces extrêmes en Europe. Qu’elles soient de droite ou de gauche, elle font partie de la stratégie russe, qui les utilise dans ses tactiques», a-t-il dénoncé.

Reste que le haut responsable de l’Alliance n’a fourni aucune preuve de ses accusations contre la Russie, se bornant à ces quelques déclarations tonitruantes. Il est surprenant que le chef d’une structure de l’OTAN ne prouve pas ses accusations, d’autant plus qu’elles ont été publiées par des médias importants, tels que The Guardian et The Independent avec des titres accrocheurs comme «La Russie alimente les troubles de réfugiés en Allemagne pour renverser Angela Merkel» ou «La Russie essaie d’évincer Angela Merkel en incitant aux troubles contre les réfugiés en Allemagne».


Ces théories sont-elles des «opérations psychologiques» ?

Il est nécessaire de rappeler que, parmi les activités du centre d’excellence de l’OTAN à Riga spécialisé sur la communication stratégique créé en 2013, l’une d’entre elles consiste à mener des «opérations psychologiques», «en utilisant des méthodes de communications et d’autres moyens pour influencer les perceptions et les comportements afin de mener à bien des objectifs politiques et militaires». Lors de son lancement en février 2013, le ministre de la Défense lituanien Artis Pabriks avait déclaré que la mission principale de ce centre visait à «expliquer l'importance et les actions de l'Alliance Atlantique à la société».

En février, le gouvernement allemand s'était inquiété du travail «tendancieux» de médias russes mais la diplomatie allemande avait dit ne pas savoir s'ils étaient «pilotés» ou non par Moscou.

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