«Les blessés sont coincés dans une pièce étroite avec les morts», c’est ainsi que Faysal Sariyildiz, député du Parti démocratique des peuples, décrit les conditions inhumaines qui règnent dans ce sous-sol. Il a confié, le 30 janvier, à l’agence de presse turque Cihan, que 31 personnes avaient été piégées dans un sous-sol à Cizre et que 6 avaient déjà succombé à leurs blessures. L’élu avait déclaré, la veille, à l’agence d’information allemande Dpa, que le nombre de morts augmentait presque chaque jour et que les ambulances dépêchées sur place avaient été refoulées à 11 reprises.
Cet immeuble d’habitations de Cizre, dans le sud-est de la Turquie principalement peuplée par les Kurdes, a été à moitié détruite lors du bombardement de la ville par les forces turques. Plusieurs étages se sont effondrés et des dizaines de personnes se sont retrouvées bloquées dans le sous-sol. Les autorités locales ne veulent pas évacuer ces gens.
Ankara continue de bombarder Cizre où un couvre-feu a été imposé depuis le 14 décembre dernier. Ce couvre-feu avait été imposé après l’échec des négociations de paix entre le gouvernement et le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK).
De leur côté, les civils ont fait savoir que les services principaux, tels que l’alimentation en eau et en électricité avaient été coupés en raison des tirs, ce qui complique passablement la situation. Les informations concernant les personnes blessées qui survivent dans ce sous-sol viennent de députés turcs, ainsi que l’organisation de défense des droits de l’homme, Amnesty International.
Ainsi, Nedim Turfent, rédacteur de l’agence de presse Dicle, a expliqué à RT que sept personnes étaient mortes et que 15 autres étaient blessées. «Certaines sont dans un état critique», a-t-il précisé.
«Aucune information n’a été envoyée du sous-sol depuis l’après-midi du 30 janvier. Des dizaines de personnes, notamment des femmes et des enfants, restent piégés. Les blessés attendent de mourir. L’eau et d’autres biens de première nécessité permettant de survivre font défaut», a-t-il ajouté.
Le député Faysal Sariyildiz a été en contact avec les personnes coincées dans ce sous-sol et met à jour son compte de Twitter avec les noms des kurdes piégés, ajoutant des photos des blessés.
Depuis le 29 janvier, les corps des personnes décédées n’ont pas pu être remontés à la surface, a confié à dpa Leyla Birlik, la députée de la province de Sirnak du Parti démocratique des peuples.
En raison de cette situation sanitaire désastreuse, les médecins sont dans l’impossibilité d’aider les gens coincés.
Ainsi, un groupe de volontaires de l’Union des médecins de Turquie et du Syndicat des employés publics des services sociaux et de la santé se sont vus refuser l’entrée dans le quartier.
Un médecin du groupe a raconté aux médias que les volontaires avaient été privés d’accès parce qu’ils n’avaient pas de document officiel.
«On nous a refusé l’accès dans le quartier bien que nous ayons expliqué que l’interdiction violait les Conventions de Genève, dont la Turquie est l’un des signataires, et que des véhicules et des volontaires avec le symbole de la Croix Rouge devaient être autorisés à pénétrer dans les zones de conflit», a confié le médecin Vahhac Alp au journal Hurriyet Daily.
«C’est une situation désespérée : des blessés, certains d’entre eux saignent abondamment, sont en grave danger de mort, s’ils ne reçoivent pas immédiatement une assistance médicale», a déclaré jeudi Andrew Gardner, d’Amnesty International.
Selon le groupe de défense des droits de l’homme, 23 personnes seraient bloquées dans le sous-sol.
Amnesty leur a parlé et a pu confirmer que quatre d’entre elles étaient décédés alors que 12 autres personnes sont gravement blessées. Les communications ont été coupées à cause des tirs, mais l’ONG estime que six personnes sont décédées.
«Le refus des autorités turques de permettre à l’assistance médicale d’accéder aux blessés est injustifiable […] cette opération montre un mépris pour la vie humaine», a souligné Andrew Gardner.
La Cour constitutionnelle turque a confirmé avoir rendu une ordonnance pour empêcher les ambulances d’atteindre les blessés parce que le danger était trop important.
Reste que le président turc, Recep Tayyip Erdogan, a rejeté les accusations qui visent le régime quant à l’interdiction faite aux médecins d’accéder à la région et les a qualifiées de «mensonges». «Ils n’évacuent pas les blessés délibérément», a-t-il déclaré.
Les Kurdes réclament davantage d’autonomie en Turquie, où ils constituent la minorité ethnique la plus importante, sur la base du droit des peuples à l’autodétermination.
Ankara renforce ses opérations militaires dans les régions kurdes du pays situées près des frontières avec la Syrie et l’Irak depuis le mois de décembre. Recep Tayyip Erdogan a promis de poursuivre sa campagne militaire jusqu’à ce que la région soit nettoyée des combattants du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK).
La Commissaire européenne en charge des Affaires étrangères, Federica Mogherini, a appelé à un «cessez-le-feu immédiat» dans le Kurdistan turc. Le commissaire de l'Union européenne pour la Politique régionale, Johannes Hahn, a ajouté, pour sa part, que l’UE y avait «un intérêt important parce que cela peut affecter la sécurité dans la région et, l’UE elle-même, de façon plus large.