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Pour le président kenyan de la Cour Suprême, le pays est gangrené par la mafia

Willy Mutunga dresse un bilan sombre de l'état des institutions de son pays et n'hésite pas à pointer du doigt la responsabilité des politiques dans la montée de la corruption et du clientélisme.

Dans une récente interview accordée au journal néerlandais, NRC Handelsblad, le juge Mutunga a affirmé que la corruption s'est greffée à chaque strate de la société et des institutions. Pour argumenter son propos, il explique qu'il est devenu récurrent qu'un policier kényan extorque des pots de vin aux automobilistes en abusant de son autorité afin de partager le butin avec le chef de la station locale, qui à son tour en rétribuera une partie à ses supérieurs. Mais cette petite corruption est l'arbre qui cache la forêt.

Selon lui, «l'influence des cartels est écrasante». Ces derniers s'adonnent à toutes sortes de trafics en raison de la passivité voire la complicité de certains politiques. «Ils font des affaires illégales avec des hommes politiques. Si nous ne nous battons pas [eux], nous devenons leurs esclaves», a-t-il dit en substance. Le président de la Cour suprême du Kenya a reconnu que le système juridique est mal équipé pour traiter les maux dont souffre le pays d'autant plus que celui-ci est dirigé par des personnes elles-mêmes corrompues. Surnommé «le Robin des Bois de la justice kenyane» depuis sa prise de fonctions en 2011, M. Mutunga est devenu populaire parmi la population qui reconnaît en lui un homme simple désintéressé par le profit et l’appât du gain.

Une économie kényane en péril

«Au Kenya, l'économie de contrefaçon génère 1,2 milliard de dollars par an selon l'Association des fabricants du Kenya», a-t-il déploré. Pour lui, cette triste réalité est le fait d'une implication directe des politiciens. Par ailleurs, il n'a pas hésite à soutenir son propos en faisant référence à une récente publication de journalistes qui mettait en lumière l’existence de liens entre l'armée kényan et le groupe islamiste al-Shabaab qui détient le port somalien de Kismayo où un commerce illégal aurait cours et cela sous l'étroit contrôle du gouvernement kényan.

Malgré la volonté affichée du président Uhuru Kenyatta de mettre fin à la corruption, les Kényans restent sceptique sur la sincérité de cette démarche au regard des dernières manifestations qui ont eu lieu dans le pays. Transparency International a classé le Kenya à la 145ème sur 175 pays en 2014, se plaçant à égal niveau de l'Ukraine, du Bangladesh et la République centrafricaine.