C’est une histoire à peine croyable au sein de la première puissance économique mondiale. Nous sommes en 2011. Le gouverneur du Michigan, Rick Snyder, décide de faire une cure d’austérité. Il nomme un contrôleur pour redresser les finances publiques de Flint, cité de 100 000 âmes. L’une des mesures prises concerne la fourniture d’eau potable. Trois ans plus tard, la municipalité commence à puiser son eau directement dans la rivière locale au lieu de continuer à l’acheter à Détroit. Une décision dont les conséquences seront terribles pour la population.
Pertes de cheveux et éruptions cutanées
A l’époque, les autorités environnementales du Michigan avaient donné leur accord. Pourtant, une action en justice intentée par l’Association américaine des libertés civiles et le Conseil de défense des ressources naturelles avait permis de démontrer que l’usine de traitement des eaux de Flint n'était pas en mesure de produire une eau qui réponde aux normes locales et fédérales.
Peu de temps après ce changement, les citoyens de Flint ont commencé à se plaindre de la qualité de leur or bleu. Selon eux, son ingestion provoquait des vomissements, pertes de cheveux et même des éruptions cutanées ! Quelques mois plus tard, la ville a décidé de réagir en recommandant aux habitants de faire bouillir l’eau avant de la consommer. Les autorités venaient de découvrir une bactérie dangereuse.
Mais au final, le remède fut pire que le mal. La solution trouvée par l’usine de traitement pour venir à bout de cette bactérie a, à son tour, dopé le niveau des contaminants dans l'eau potable. Dès le mois d’octobre 2014, General Motors cessait d’utiliser l’eau de la ville pour ses usines. Cette dernière se révélait trop corrosive et endommageait les pièces des voitures ! Oui, vous ne rêvez pas. Cet acide… euh eau a également attaqué les parois du vétuste système de canalisations de la ville. Jusqu’à ce que du plomb s’en échappe...
Durant des mois, cette situation a perduré, en dépit des plaintes répétées des citoyens. Une mère est même allée jusqu’à contacter l'Agence américaine de protection environnementale, après avoir été éconduite par les autorités de la ville et par l'Etat du Michigan. Il faut dire que la dame était assez préocuppée par les éruptions cutanées de son fils.
Malgré la pression des autorités fédérales et des tests démontrant, chez les enfants de Flint, un niveau de contamination au plomb près de deux fois plus élevé que la norme, les responsables locaux ont attendu des mois pour corriger le tir.
Pour rappel, l'exposition au plomb est dommageable pour les humains et peut compromettre de manière irréversible la santé et le développement cérébral des enfants.
Etat d’urgence sanitaire
Après avoir ignoré pendant des mois les doléances de la population qui accusait leur eau trouble et nauséabonde de les rendre malades, le gouverneur du Michigan Rick Snyder a déclaré cette semaine l'état d'urgence sanitaire à Flint.
Mis sous pression par l’ouverture d’une enquête par le ministère américain de la Justice, Rick Snyder s’est enfin décidé à agir. A l’écouter, il aurait même des regrets : «C'est une situation malheureuse et je m'en excuse.»
Une communication qui est loin d’avoir convaincu tout le monde, à commencer par un certain Michael Moore. Le célèbre documentariste oscarisé a des liens de longue date avec Flint. Cette ville a été le théâtre d’un de ses opus les plus virulents, «Roger et moi», sur les mises à pied massives opérées chez le constructeur automobile General Motors (GM).
Il a décidé de faire tourner une pétition arguant qu’«empoisonner tous les enfants dans une ville historique des Etats-Unis n’est pas une mince affaire». Il exige l’arrestation du gouverneur qu’il accuse d'avoir pris des mesures «inconscientes» et «imprudentes».
Rick Snyder a finalement obtenu six millions de dollars des parlementaires du Michigan pour pouvoir reconnecter sa ville aux réseau de Détroit à l'automne. Mais la facture pour réparer les infrastructures de Flint pourrait atteindre 1,5 milliard de dollars, a prévenu cette semaine son maire, Karen Weaver.
Le dernier mot revient à Michael Moore, qui affirme dans son style si caractéristique : «Même des organisations terroristes internationales ne savent pas encore comment commettre des empoisonnements à cette échelle».