Après le magazine Time qui a désigné la chancelière allemande personnalité de l'année 2015 le 9 décembre dernier, c'est au tour de l'AFP. Elle a été élue devant Vladimir Poutine qui arrive en deuxième position et le Pape François qui occupe la troisième place. Angela Merkel a été choisie pour sa gestion de la crise grecque et de celle des migrants alors que la population allemande apparaît divisée sur ces deux sujets.
Alors qu'elle avait promis d'accueillir un million de migrants, ce sont finalement près de 960 000 personnes qui sont arrivées en Allemagne en 2015. Cette «générosité» d'Angela Merkel a créé la polémique dans le pays. Au sein du propre camp de la chancelière les critiques ont fusé notamment de la part de l'allié du parti au pouvoir, la CDU et du président de la CSU, et ministre-président de Bavière, Horst Seehofer. Celui-ci a jugé que l'accueil de ces migrants est «une erreur qui va nous occuper encore longtemps». Il ne voit «aucune possibilité de remettre le bouchon sur la bouteille», a-t-il indiqué. L'ancien ministre de l’intérieur d’Angela Merkel et actuel dirigeant de la CSU, Hans-Peter Friedrich, avait qualifié cette ouverture des frontières d'«erreur de jugement sans précédent».
Près de 70 % des migrants arrivés dans le pays vont rester au chômage pendant au moins un an selon la Bundesbank
Alors qu'un des arguments principaux de l'AFP pour la nomination de la chancelière est sa gestion de la crise migratoire et son courage pour avoir accueilli près «d'un million de migrants», de plus en plus d'Allemands s'opposent à cette politique. Un récent sondage du journal Welt am Sonntag montre qu'ils sont 40% à penser que l'Allemagne devrait accueillir moins de migrants. Les estimations de la Bundesbank, laquelle estime que près de 70 % des migrants arrivés dans le pays vont rester au chômage pendant au moins un an malgré la situation économique favorable, ne risquent pas de les rassurer d'avantage.
L'ancien diplomate français, essayiste et chroniqueur Roland Hureaux estime que dans cet anti-classement de la personnalité politique ayant eu l'action la plus néfaste, Angela Merkel ne détiendrait même pas la palme. «La personnalité la plus influente du monde pour moi c'est le président Erdogan», affirme-t-il, prenant le contre-pied de l'unanimisme médiatique. Le chef de la Turquie a non seulement accueilli le sommet du G20 à Antalya le 15 novembre dernier mais il a eu l'«influence la plus considérable sur les événements puisqu'il envoie les djihadistes combattre en Syrie. S'il ne les laissait pas passer, il n'y aurait pas de guerre en Syrie», rapporte Roland Hureaux.
Un taux de chômage de près de 25 % en Grèce
Sur le dossier grec, le deuxième grand argument avancé pour la nomination d'Angela Merkel qui a «sauvé l'euro» selon l'AFP, la situation sociale et économique particulièrement difficile n'est pas la pour défendre son action. Les politiques d'austérité mises en place en Grèce sous l'influence de l'Allemagne, au côté du FMI et de la Commission européenne, ont été critiquées par de nombreuses personnalités en Allemagne mais aussi en France comme le chef du Front de gauche Jean-Luc Mélenchon.
Des économistes comme Jacques Sapir avaient également critiqué le rôle joué par Angela Merkel à l'occasion de la crise grecque qui avait abouti en juillet dernier à la mise en place d'un plan de sauvetage de près de 90 milliards d'euros.
Pourtant le taux de chômage dans le pays atteint près de 25 % et touche près de 1,2 million de personnes sur un total de 10 millions d'habitants alors que près d'un tiers des Grecs vivent aujourd'hui en dessous du seuil de pauvreté. La dette grecque a dépassé en 2015 près de 175 % de son PIB.
Le choix de l'agence de presse française en dit beaucoup sur les médias français, selon Roland Hureaux. «Dans l'AFP comme dans la plupart des grands médias français dominés par une idéologie qui est à peu près le contraire à celle du peuple allemand et du peuple français (...) ils sont partisans d'une très large ouverture des frontières aux migrants mais il ne faut pas prendre cela pour de la générosité», conclut l'ancien diplomate.