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Escalade au Yémen entre Riyad et les indépendantistes du sud soutenus par Abou Dhabi

L’Arabie saoudite a frappé des forces séparatistes du Sud au Yémen, soutenues par les Émirats arabes unis. Ces frappes marquent un durcissement saoudien après des avancées du CTS à l’est du pays. La rivalité Riyad–Abou Dhabi menace la fragile dynamique de désescalade yéménite.

L’Arabie saoudite a franchi une ligne qu’elle s’était jusqu’ici soigneusement gardée de dépasser. Après avoir investi un capital politique considérable dans la désescalade de la guerre au Yémen et amorcé un retrait progressif du conflit, Riyad a mené le 26 décembre des frappes aériennes sur le territoire yéménite.

Celles-ci ne visaient pas les rebelles houthis, mais un ancien allié sur le terrain : les forces séparatistes du Sud, soutenues par les Émirats arabes unis, qui ont récemment avancé dans l’est du pays, notamment dans les gouvernorats stratégiques du Hadramaout et d’al-Mahra.

Selon des médias locaux, les frappes ont ciblé des positions du Conseil de transition du Sud (CTS), pourtant représenté au sein du Conseil présidentiel de direction officiellement à la tête du Yémen. Aucune victime n’a été signalée.

Vers une partition du Yémen ?

Riyad entendait ainsi donner du poids à son avertissement lancé la veille, dénonçant une « escalade injustifiée » et appelant les forces sudistes à se retirer « de manière urgente et ordonnée » des territoires conquis. Le CTS a rejeté cette injonction, faisant planer le risque d’une nouvelle spirale de tensions susceptible, à terme, de profiter aux Houthis.

Ces frappes calibrées constituent avant tout un tir de sommation, mais elles traduisent aussi un durcissement notable de la posture saoudienne. Les avancées du CTS ont fragilisé le gouvernement reconnu internationalement et permis à des forces soutenues par Abou Dhabi de se déployer le long de près de 700 kilomètres de frontière avec l’Arabie saoudite et 300 kilomètres avec Oman. Une situation perçue à Riyad comme une remise en cause directe de son influence dans une région considérée comme stratégique.

Si les séparatistes affirment vouloir sécuriser le Hadramaout et al-Mahra, les frappes saoudiennes, qui auraient visé notamment la base de Nuhoub et des positions à Wadi Nahb, ne devraient pas suffire à provoquer leur retrait. Elles signalent plutôt une dynamique d’escalade accrue.

Pour Riyad, un affaiblissement durable du gouvernement de Aden au profit du CTS risquerait d’ouvrir la voie à une partition de fait du Yémen, laissant le Nord aux Houthis et marginalisant l’Arabie saoudite.

Cette crise remet aussi en lumière les divergences croissantes entre Riyad et Abou Dhabi. Bien que les deux capitales restent alignées contre les Houthis, leurs visions du sud du Yémen et de l’avenir de l’État yéménite diffèrent. Officiellement, les Émirats ont salué les efforts saoudiens pour la stabilité du pays, mais sur le terrain, la rivalité régionale semble désormais s’inviter ouvertement au Yémen, avec des risques stratégiques majeurs.