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Le ministre italien des Affaires étrangères appelle à un «électrochoc» pour sauver l’Europe du déclin

Dans un entretien, le ministre italien des Affaires étrangères lance un avertissement sévère sur l’avenir de l’Union européenne. Il dénonce une organisation affaiblie, paralysée par la bureaucratie, incapable de peser sur la scène mondiale, et plaide pour des réformes politiques profondes afin d’éviter un déclin irréversible du continent.

Pour Antonio Tajani, l’Union européenne est en train de perdre son poids politique sur la scène internationale. Dans les colonnes du Corriere della Sera, le chef de la diplomatie italienne dénonce une organisation incapable de rivaliser avec les grandes puissances mondiales. Selon lui, seul un « électrochoc » pourra empêcher l’Europe de devenir « un géant économique et un nain politique, une entité résiduelle sur la scène mondiale ».

Dans un contexte marqué par des tensions géopolitiques croissantes, Tajani estime que l’UE, telle qu’elle est structurée aujourd’hui, n’a pas les moyens de peser face aux États-Unis, à la Russie ou à la Chine. Il pointe du doigt l’absence de véritables figures d’envergure à la tête de l’Union : « Nous avons des dirigeants nationaux compétents, mais il manque des leaderships européens comme De Gasperi, Kohl ou Mitterrand », regrette-t-il.

Pour inverser la tendance, le vice-premier ministre italien propose une réforme institutionnelle ambitieuse : fusionner les fonctions de président de la Commission européenne et du Conseil européen, et faire élire ce nouveau poste directement par les citoyens. L’objectif : redonner une vision politique forte à l’Europe et dépasser les logiques strictement nationales.

Bureaucratie, économie et perte d’attractivité

Au-delà du leadership, Antonio Tajani s’en prend avec fermeté à la lourdeur bureaucratique de l’Union. « Il n’est pas possible que seuls ceux qui ont étudié au Collège de Bruges aient plus de pouvoir que les élus des citoyens », lance-t-il dans le Corriere della Sera. Il critique un système « éléphantesque », incapable de s’adapter rapidement aux défis actuels.

Pour y remédier, il appelle à faire de l’Union une entité plus politique et plus réactive. Il propose de supprimer le droit de veto dans plusieurs domaines, de renforcer le rôle du Parlement européen, et d’achever le marché unique grâce à une union bancaire, un marché de l’énergie intégré, une harmonisation fiscale et des règles sur la concurrence. Chaque nouvelle norme devrait être compensée par l’abolition de deux autres, ajoute-t-il, pour alléger le carcan réglementaire.

Un récent rapport réalisé par le European Round Table of Industrialists confirme les inquiétudes exprimées par le ministre italien. D’après l’enquête, plus d’un tiers des grandes entreprises réduisent actuellement leurs investissements en Europe, tandis que 45 % investissent davantage aux États-Unis. Seuls 8 % des dirigeants interrogés envisagent d’augmenter leurs investissements sur le sol européen.

Défense européenne et divisions stratégiques

Malgré les tensions internes et les critiques croissantes, Antonio Tajani insiste sur la nécessité de renforcer une certaine capacité de défense européenne. Il évoque des formes de coordination, notamment via des coopérations industrielles, y compris avec les États-Unis et les pays du G7. Mais loin de proposer un modèle clair, il parle d’un « point d’arrivée » encore lointain : celui d’une armée commune, pour l’instant limitée à des initiatives fragmentées.

Concernant l’Ukraine, le ministre confirme que le décret sur la livraison d’armes sera maintenu, tout en précisant qu’il s’appliquera uniquement à l’usage sur le territoire ukrainien. Il évoque aussi l’idée de fonds européens ou d’euro-obligations, mais sans garantie concrète ni plan précis, ce qui reflète un manque de consensus réel au sein de l’Union.

Le ministre réaffirme le soutien de l’Italie à l’élargissement de l’UE vers l’Est, en particulier aux pays des Balkans. Mais cette orientation, déjà contestée par plusieurs États membres, s’inscrit dans un contexte de division croissante entre intérêts nationaux et directives bruxelloises. « Nous sommes les premiers soutiens de l’entrée des Balkans dans l’UE », a-t-il déclaré, sans aborder les difficultés politiques et économiques qu’une telle extension pourrait entraîner.