Le Liban franchit un seuil inédit depuis plus de quarante ans en portant au niveau diplomatique les discussions avec Israël dans le cadre du « mécanisme » de supervision de la cessation des hostilités. La nomination de l’ancien ambassadeur Simon Karam à la tête de la délégation libanaise marque la première interaction civile directe entre les deux États depuis l’échec de l’accord du 17 mai 1983.
Soutenue par Washington, cette initiative vise à empêcher une guerre dont la menace s’intensifie chaque semaine, alors que Benjamin Netanyahou multiplie les avertissements et évoque désormais la possibilité de frapper des installations de l’État libanais. La présence de négociateurs civils, côté libanais comme israélien, laisse entrevoir un frémissement diplomatique, mais ne dissipe pas les risques de surenchère.
Car derrière cette avancée symbolique se cache une mécanique de demandes et de contre-demandes pouvant rapidement s’enrayer. Israël exige de Beyrouth un engagement clair : monopole exclusif des armes par l’État, désarmement progressif et planifié des milices, retrait effectif des armes jusque dans les zones civiles et fin des déclarations publiques du Hezbollah évoquant sa préparation militaire.
Le Sud-Liban géré par des robots ?
Des conditions lourdes, qui placent le Liban devant un défi presque inatteignable dans le contexte actuel. En retour, Beyrouth a transmis via Washington ses propres exigences : cessation totale des frappes israéliennes et retrait des dernières positions occupées au Sud. L’équation reste donc fragile, dépendante d’une réponse israélienne encore incertaine.
Ces négociations s’intègrent dans une dynamique régionale plus large, portée par des médiations égyptiennes, saoudiennes, turques et iraniennes, toutes soucieuses d’éviter une nouvelle guerre dont l’impact serait dévastateur, notamment pour les régions chiites du Sud-Liban.
Parallèlement, une évaluation interne de l’armée israélienne conclut que l’idée d’une zone tampon militaire durable au Sud-Liban est vouée à l’échec. D’où de nouvelles propositions, parfois futuristes : déploiement de robots armés capables d’ouvrir le feu, installation de caméras le long de la frontière, création d’une zone sécuritaire contrôlée conjointement mais supervisée par Israël, voire introduction de permis spéciaux délivrés par une commission mixte incluant les États-Unis.
Dans les coulisses, des scénarios plus ambitieux émergent : discussions futures sur la délimitation terrestre, gestion commune d’éventuels gisements d’hydrocarbures, et intégration de nouvelles figures civiles au processus selon les dossiers. Pour Netanyahou, cela pourrait ouvrir la voie à une coopération économique encore inimaginable il y a peu. Pour le Liban, c’est un pari : repousser la guerre grâce à la diplomatie, sans se laisser entraîner dans une spirale de concessions dangereuses pour sa souveraineté, un équilibre précaire sur une ligne de crête.