Depuis le sommet du G20 à Johannesbourg, le 22 novembre, Emmanuel Macron tente de rouvrir le dialogue avec l’Algérie. « Moi, je veux bâtir une relation d’avenir qui soit apaisée, mais on doit corriger beaucoup de choses », a-t-il déclaré. Il évoque une relation encore insatisfaisante sur les plans « sécuritaire et migratoire ».
Une rencontre entre les présidents Macron et Tebboune avait été envisagée en marge du sommet. Elle n’a finalement pas eu lieu : le chef de l’État algérien ne s’est pas déplacé, confiant la représentation de son pays à son Premier ministre, Seifi Ghrieb. Cette absence illustre la prudence d’Alger, qui entend maîtriser le tempo d’un éventuel rapprochement.
Dans le même temps, Paris multiplie les signaux d’ouverture. Le 20 novembre, la secrétaire générale du Quai d’Orsay, Anne-Marie Descôtes, s’est rendue à Alger. Une visite discrète mais symbolique, visant à relancer la coopération bilatérale dans les domaines clés : immigration et économie sont au cœur des priorités.
La libération de l’écrivain Boualem Sansal, le 12 novembre, grâce présidentielle accordée par le président Tebboune, a été saluée à Paris. « La libération de Boualem Sansal est un premier résultat dont il faut se féliciter », a souligné Emmanuel Macron. Ce geste a été perçu comme une première main tendue, bien que les autorités algériennes aient insisté sur l’absence de lien entre cette décision et le calendrier diplomatique.
Retour progressif du dialogue technique
Le départ du ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau, partisan d’une ligne dure envers Alger, a ouvert la voie à une inflexion de ton côté français. Son successeur, Laurent Nuñez, a confirmé avoir reçu une invitation officielle pour se rendre en Algérie. Il incarne une approche plus discrète et moins conflictuelle, en rupture avec la stratégie précédente.
Parmi les signaux de reprise figure aussi le retour attendu de l’ambassadeur de France en Algérie, Stéphane Romatet, rappelé à Paris en avril dernier. Son retour serait une étape indispensable avant la visite de Nuñez à Alger, attendue d’ici la fin novembre.
Le volet sécuritaire reste au centre des préoccupations. La rupture des échanges de renseignements depuis 2024 inquiète de part et d’autre de la Méditerranée. « Même en cas de crise, les canaux sécuritaires restaient ouverts », rappelle Brahim Oumansour, directeur de l’Observatoire du Maghreb à l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS). Le contexte régional — notamment l’instabilité au Sahel — accentue l’urgence d’une reprise des contacts opérationnels.
Le dossier malien illustre les recompositions régionales en cours. Si des tensions sont récemment apparues entre Alger et Bamako, notamment après la destruction d’un drone malien à la frontière en 2023, les deux pays restent des acteurs essentiels de la stabilité régionale. Lors de l’Assemblée générale des Nations unies en septembre 2025, le Premier ministre malien Abdoulaye Maïga a exprimé ses inquiétudes quant à certaines interférences extérieures, visant indirectement l’Algérie. Dans ce contexte, Paris tente de se repositionner en misant sur une convergence avec Alger autour des enjeux sahéliens. La France chercherait à relancer des coopérations sécuritaires bilatérales, alors que ses canaux avec Bamako sont quasiment rompus.
Économie stable, tensions politiques toujours vives
Malgré 16 mois de brouille, les échanges économiques n’ont pas subi de choc majeur. En 2024, le volume commercial bilatéral a atteint près de 11 milliards d’euros. Les exportations d’hydrocarbures restent au cœur de cette relation. Patrick Pouyanné, PDG de Total Énergie, a rappelé que les contrats avec Sonatrach se poursuivent sans interférence politique, grâce à une « relation de confiance » avec les partenaires algériens.
Pour autant, plusieurs dossiers sensibles demeurent à l’écart du processus de reprise. Le cas du journaliste français Christophe Gleizes, condamné à sept ans de prison pour « apologie du terrorisme », en est l’exemple. Les deux capitales ont choisi de ne pas l’intégrer dans les discussions diplomatiques en cours — à la différence du dossier Sansal.
Autre point d’achoppement majeur : le Sahara occidental. La crise avait été relancée à l’été 2024, lorsque Emmanuel Macron avait réaffirmé le soutien de la France à la souveraineté marocaine sur ce territoire. Ce geste avait été très mal perçu par Alger, qui y voit une remise en cause directe de ses positions stratégiques. Pour l’heure, ce dossier est volontairement tenu à distance des négociations.
Si Paris insiste sur sa méthode faite de « respect » et d’« exigence », cette posture reste mal perçue par une partie de la presse algérienne. Les journaux locaux considèrent que la France entretient des ambiguïtés qui nourrissent la méfiance d’Alger. En refusant toute précipitation, le pouvoir algérien semble vouloir éviter de donner l’initiative à Paris.