Après deux mandats de la Française Audrey Azoulay, l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco) entame une nouvelle phase de transition. Le Conseil exécutif, réuni à Paris, doit choisir entre deux profils aux trajectoires différentes mais poursuivant le même objectif : restaurer la confiance et la visibilité d’une institution en quête de légitimité.
Âgé de 54 ans, Khaled el-Enany, égyptologue de formation et ancien ministre du Tourisme et des Antiquités (2016-2022), est considéré comme le favori du scrutin. Il bénéficie du soutien de l’Union africaine, de la Ligue arabe, ainsi que de puissants alliés européens, dont la France et l’Allemagne. Défendant une « maison de tous les peuples », il promet de renforcer les piliers fondateurs de l’Unesco — éducation, science et culture — et d’en améliorer la gouvernance.
Le candidat égyptien souhaite aussi accroître les financements privés et volontaires pour compenser le retrait de certains États membres, notamment les États-Unis, dont la contribution représentait 8 % du budget. Il plaide pour une ouverture vers les fondations, les entreprises et les partenariats innovants, tout en insistant sur « l’impact concret » des programmes de l’organisation. « L’Unesco n’est pas qu’un label culturel. C’est aussi l’éducation dans les zones de crise, la liberté des journalistes ou la place des femmes dans les sciences », résume-t-il.
Face à lui, Firmin Edouard Matoko, 69 ans, présente un profil d’homme de l’intérieur. Haut fonctionnaire congolais, il a passé plus de trente-cinq ans au sein de l’Unesco, occupant notamment le poste de sous-directeur général chargé des relations extérieures. Soutenu par plusieurs pays africains et latino-américains, il met en avant son expérience institutionnelle et sa connaissance des rouages diplomatiques.
Pour lui, la priorité est de « réformer sans déstabiliser » : renforcer la cohésion interne, consolider la place des jeunes et des femmes, et restaurer le dialogue entre États membres. « Dans une période de remise en question du multilatéralisme, il faut un leadership qui connaisse la maison et ses équilibres », plaide-t-il.
Un tournant africain pour l’Unesco
Depuis la réforme impulsée par Audrey Azoulay, l’Unesco a doublé son budget, accru la visibilité de son action — notamment avec la reconstruction de Mossoul — et mis en avant le patrimoine africain. Mais son bilan reste contrasté. Des chercheurs et diplomates lui reprochent un style de gouvernance trop vertical et une politisation excessive de l’organisation, réduite selon certains à une agence technocratique.
Les départs successifs d’Israël, du Nicaragua et surtout des États-Unis ont fragilisé son image universelle. « Il faut que tout le monde soit là, sinon ce n’est plus une organisation universelle », rappelle Firmin Matoko, qui espère convaincre Washington de revenir durablement.
Le scrutin du 6 octobre servira de recommandation avant le vote final de la Conférence générale, prévu le 6 novembre à Samarcande. Traditionnellement, le candidat choisi par le Conseil exécutif est ensuite confirmé sans contestation.
Si Khaled el-Enany l’emporte, il deviendra le premier Arabe à diriger l’Unesco. S’il revient à Firmin Matoko, il sera le deuxième Africain à occuper ce poste, après le Sénégalais Amadou-Mahtar M’Bow (1974-1987).