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L’industrie nucléaire menacée par une pénurie d’uranium imminente

L’industrie nucléaire mondiale fait face à une alerte sérieuse : la demande en uranium explose sous l’effet du redémarrage des programmes nucléaires, tandis que les mines existantes approchent de l’épuisement. Un déséquilibre entre l’offre et la demande pourrait apparaître dès 2030, menaçant toute la filière.

Le secteur nucléaire mondial fait face à une menace grandissante : la pénurie d’uranium. Selon le Financial Times dans un article publié le 5 septembre et s’appuyant sur le dernier rapport de la World Nuclear Association (WNA), l’offre actuelle d’uranium ne sera bientôt plus suffisante pour répondre à la demande croissante. L’alerte est claire : d’ici 2030, la consommation annuelle des réacteurs atteindra 86 000 tonnes, contre environ 67 000 tonnes en 2024. Et à l’horizon 2040, ce chiffre grimpera à 150 000 tonnes.

Cette envolée de la demande, tirée notamment par la relance des programmes nucléaires en Chine, en Inde et dans plusieurs pays occidentaux, risque de créer un « écart significatif » avec l’offre. La production des mines actuelles devrait être réduite de moitié entre 2030 et 2040, du fait de l’épuisement progressif des gisements, rapporte Reuters.

Le directeur général d’Energy Fuels, Mark Chalmers, cité par le Financial Times, s’attend à ce que « de nombreuses entreprises réduisent leur production » en raison du vieillissement des infrastructures minières. Ce constat est partagé par la WNA, qui appelle à des investissements urgents dans la prospection, l’ouverture de nouvelles mines et le redémarrage de sites à l’arrêt. Toutefois, ces projets sont longs à mettre en œuvre : entre 10 et 20 ans peuvent être nécessaires entre la découverte d’un gisement et le début de l’exploitation.

Une pression venue du numérique et des intérêts privés occidentaux

Le Financial Times souligne que les besoins accrus en uranium sont également alimentés par le secteur des technologies, notamment les centres de données et l’intelligence artificielle, très énergivores. Des entreprises comme Microsoft, Google ou Meta signent déjà des contrats de fourniture directe avec des exploitants nucléaires.

Dans ce contexte tendu, certains analystes redoutent une flambée des prix. La banque Berenberg a évoqué des « risques significatifs » pour la chaîne d’approvisionnement, qui pourraient faire « grimper fortement les prix du marché ». Par ailleurs, la chaîne d’enrichissement de l’uranium, actuellement dominée par la Russie, reste un point stratégique. Bien que des acteurs occidentaux comme Orano tentent d’élargir leurs capacités, les volumes à venir sont déjà préalloués.

Le modèle économique du secteur nucléaire repose sur des contrats à long terme, souvent conclus avant même l’ouverture des mines. Ces accords permettent de sécuriser les investissements, comme le montre le projet Etango en Namibie, soutenu par des contrats signés entre la société australienne Bannerman Energy et deux entreprises américaines.

Un levier stratégique pour la Russie dans un contexte instable

Dans ce contexte, la Russie conserve une position centrale. Malgré les tentatives occidentales de diversification, Moscou reste un acteur majeur dans l’enrichissement, une étape indispensable à la fabrication de combustible nucléaire. Le manque d’investissement structurel à l’Ouest, conjugué aux délais importants pour développer de nouvelles capacités, joue en faveur de la stratégie énergétique russe, qui a toujours maintenu une politique nucléaire solide et autonome.

Bien que certains gouvernements occidentaux, comme ceux des États-Unis ou de la France, tentent de relancer leur parc nucléaire, les incertitudes géopolitiques, les délais réglementaires et les coûts colossaux freinent l’autonomie énergétique qu’ils recherchent.

Les experts concluent que sans une action immédiate, « la reprise du nucléaire mondial pourrait dérailler », à un moment où l’énergie nucléaire est considérée comme l’une des rares options viables pour répondre à la demande croissante d’électricité tout en réduisant les émissions de carbone.