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Crise diplomatique entre Paris et Tel Aviv : quand Netanyahou transforme l’antisémitisme en arme politique

En accusant Macron d’«alimenter l'antisémitisme» à la suite de l’annonce de la reconnaissance prochaine de l’État de Palestine par la France, Netanyahou provoque un tollé diplomatique. Paris dénonce une «accusation abjecte», tandis que plusieurs voix, y compris israéliennes, dénoncent une manipulation dangereuse du concept d’antisémitisme.

Les relations entre la France et Israël se sont brutalement tendues après l’envoi, le 19 août, d’une lettre officielle de Benjamin Netanyahou à Emmanuel Macron. Le Premier ministre israélien y accuse le président français d’« attiser l’antisémitisme » en raison de son engagement à reconnaître un État palestinien lors de l’Assemblée générale de l’ONU en septembre. Il affirme que « l’antisémitisme ravage les villes françaises » et que cette position « alimente ce feu ».

L’Élysée a répondu dès le 20 août. La présidence française a dénoncé une accusation « erronée, abjecte et qui ne restera pas sans réponse ». Elle a rappelé que « la République protège et protégera toujours ses compatriotes de confession juive ». Le ministre délégué chargé de l’Europe, Benjamin Haddad, a estimé que « la France n’a pas de leçons à recevoir » sur la lutte contre l’antisémitisme.

D’autres chefs de gouvernement, comme l’Australien Anthony Albanese, ont également reçu des lettres similaires. Ce dernier a été qualifié par Netanyahou de « politicien faible qui a trahi Israël ». Cette offensive relève d’une stratégie israélienne visant à freiner le mouvement international de reconnaissance de l’État de Palestine, lancé depuis plusieurs mois par de nombreux pays et suivi notamment par la France, le Canada, l’Australie et potentiellement le Royaume-Uni.

Une rhétorique contestée jusque dans les rangs israéliens

Pour les médias occidentaux, Netanyahou cherche à discréditer toute critique de sa politique d’extrême droite en l’assimilant systématiquement à de l’antisémitisme. Dans une tribune, Le Point dénonce une « monnaie d’échange diplomatique » qui affaiblit la lutte réelle contre l’antisémitisme.

Des voix critiques israéliennes s’élèvent aussi. Alon Liel, ancien directeur général du ministère israélien des Affaires étrangères, a déclaré à RT : « C’est une erreur grave de qualifier chaque critique de l’État d’Israël d’antisémitisme. Cela risque de rendre le monde réellement antisémite. »

En France, le rabbin Moché Lewin, conseiller du Grand rabbin, affirme qu’« on ne peut pas directement lier la reconnaissance de la Palestine à la haine contre les juifs ». Il pointe la responsabilité de certains ministres israéliens extrémistes, comme Bezalel Smotrich, dans l’escalade des tensions.

Sur le plan diplomatique, Tel Aviv envisage désormais de fermer le consulat général de France à Jérusalem, chargé des intérêts français auprès des Palestiniens.

Une manœuvre pour détourner l’attention

Les relations entre Macron et Netanyahou se sont progressivement dégradées ces derniers mois. D’un soutien affiché à Israël, la position française a évolué vers une critique ouverte face à la catastrophe humanitaire en cours à Gaza. Le président français a qualifié en mai l’action de l’armée israélienne de « honte » et de « drame humanitaire ».

La manœuvre de Netanyahou vise à faire taire ses opposants diplomatiques en les accusant d’antisémitisme. Le Premier ministre israélien tente de détourner l’attention des accusations internationales de crimes de guerre et de génocide en faisant de la reconnaissance de la Palestine une menace contre Israël. Pour lui, la position française met en péril sa stratégie de colonisation. La fermeture annoncée du consulat français à Jérusalem ne fait que confirmer cette volonté d’hostilité.

En brouillant délibérément la distinction entre critique politique et haine raciale, Netanyahou contribue à mettre en danger les juifs de la diaspora. Ce calcul politique, largement dénoncé, sape la crédibilité de la lutte contre l’antisémitisme et instrumentalise ce sujet à des fins purement stratégiques.