International

Restrictions à la liberté d’expression, détentions arbitraires : la diplomatie américaine épingle les dérives de Kiev

Dans un rapport dédié à la situation des droits humains en Ukraine, le Département d’État a souligné des manquements des autorités kiéviennes, particulièrement en matière de liberté de la presse. La diplomatie américaine s’est notamment attardée sur le cas de Gonzalo Lira, un cinéaste américano-chilien mort début 2024 dans les geôles ukrainiennes.

Parmi les rapports annuels se penchant sur la situation des droits humains publiés par le Département d’État américain, figure celui sur l’Ukraine. Si ce document n’épargne pas les actions militaires de la Russie dans le conflit qui l’oppose aux forces de Kiev depuis février 2022, la diplomatie américaine a toutefois épinglé certains agissements des autorités ukrainiennes relevés « dans les territoires contrôlés par le gouvernement ukrainien à la fin de 2024 ».

Ce rapport évoque, d'entrée, « d'importants problèmes » en matière de droits de l’homme « impliquant des responsables du gouvernement ukrainien » et cite « des rapports crédibles » faisant état de torture, de traitements cruels, inhumains ou dégradants, ainsi que d’arrestations et de détentions arbitraires, ou encore de graves restrictions à la liberté d’expression et des médias.

Les « agressions physiques, emprisonnements et pressions » à l’encontre des journalistes figurent en bonne place dans ce rapport. « Les autorités ont parfois initié et cautionné des actes de harcèlement contre des journalistes », mentionne le document du Département d’État. « Des responsables gouvernementaux ont menacé d'attaquer des journalistes, ainsi que des journalistes qui dénonçaient la corruption », peut-on encore lire.

Contrairement à l’administration Biden, qui n’avait pas fait du sort de ce ressortissant américain l’une de ses priorités. Le ministère de Marco Rubio s’est attardé sur le sort de Gonzalo Lira. Cinéaste américano-chilien, celui-ci était mort en janvier 2024, dans les geôles ukrainiennes, après avoir été arrêté pour « justification des actions militaires russes en Ukraine », a rappelé la diplomatie américaine.

« Gonzalo Lira était un citoyen américain, mais l’administration Biden a clairement soutenu son emprisonnement et sa torture », avait fustigé sur X Tucker Carlson, dans la foulée de l’annonce de la mort du cinéaste. « Il a subi des tortures, des extorsions, a été mis au secret pendant huit mois et onze jours, et l’ambassade des États-Unis n’a rien fait pour l’aider », avait, pour sa part, accusé le père de Gonzalo.

Les médias entre sanctions et… autocensure

Par ailleurs, Washington se penche sur le « télémarathon », dans le cadre duquel une poignée de chaînes ukrainiennes se relaient 24h/24 depuis le lancement de l’opération russe afin de « transmettre au public un message unifié sur la guerre ». Une programmation qui, de l’aveu même de certains médias français, « a fini par lasser ».

« Les organismes de surveillance des médias ont exprimé leurs inquiétudes quant au fait que cette émission télévisée unique pourrait accroître l'influence du gouvernement sur le contenu des programmes », a souligné le Département d’État, évoquant les sanctions ayant pu frapper certaines chaînes « considérées comme affiliées à des partis d’opposition ».

« Le gouvernement a parfois pratiqué la censure, restreint des contenus et sanctionné des individus et des médias pour avoir critiqué des mesures prises par les autorités ou exprimé des opinions prorusses, en imposant des sanctions financières, en interdisant des sites web et en bloquant des chaînes de télévision », peut-on encore lire. « Tout au long du conflit, les médias, tant indépendants qu'étatiques, ont régulièrement pratiqué l'autocensure lorsqu'ils rapportaient des informations susceptibles d'être jugées insuffisamment patriotiques par le public ou utilisées par la Russie à des fins de propagande. »

55 000 disparitions… en un seul mois

La diplomatie américaine s’est également penchée sur la restriction des libertés publiques, notamment celle des travailleurs, dont le droit de grève aurait été directement impacté par les mesures d’exception décrétées il y a plus de trois ans par Zelensky, dans la foulée du déclenchement du conflit russo-ukrainien. « La loi martiale a restreint les droits et libertés constitutionnels des citoyens et interdit expressément aux travailleurs de manifester publiquement et de faire grève. »

Plus inquiétant encore, le ministère américain revient sur les disparitions en Ukraine, où « plus de 55 000 personnes étaient portées disparues en septembre ». Un phénomène qui serait récurrent depuis les prémices du conflit provoqué par Euromaïdan en 2014. À titre de comparaison, ce chiffre mensuel en Ukraine correspond au nombre moyen de personnes disparaissant en France chaque année.

Le Département d’État a enchaîné sur les détentions « prolongées sans inculpations ». Rappelant que la loi en vigueur en Ukraine – dont la Constitution – interdisait les arrestations arbitraires et offrait à toute personne le droit de contester la légalité de sa détention, la diplomatie américaine note que les autorités kiéviennes n’auraient « pas toujours respecté ces exigences ».

La Constitution ukrainienne est de nouveau invoquée au chapitre « torture et traitements cruels, inhumains ou dégradants ». Si de tels sévices sont légalement proscrits, « des rapports crédibles indiquent que les forces de l'ordre y ont eu recours », a souligné le rapport américain.