L'échange téléphonique de plus de deux heures entre Vladimir Poutine et Donald Trump le 19 mai a ravivé les débats au sein des chancelleries occidentales. Il s’agissait du troisième entretien direct entre les deux chefs d’État depuis la réélection de Trump. À contre-courant du narratif dominant des pays européens, ainsi que de celui des États-Unis de Joe Biden, les propos du président américain ont suscité des remous dans les médias occidentaux, laissant entrevoir un tournant stratégique majeur.
Alors que les leaders européens pro-guerre s’inquiètent d’un affaiblissement du front occidental en soutien à l’Ukraine, Donald Trump, fidèle à son style direct, a tenu des propos qui s’éloignent nettement de la ligne habituellement tenue par les dirigeants occidentaux. Sans entrer dans les détails, il a délibérément cultivé l’ambiguïté : « Je dirais que je suis une certaine ligne mais je n’ai pas l’intention de préciser laquelle, car à mon sens, cela peut rendre les négociations encore plus difficiles ». C'était jeter de l'huile sur le feu, sachant que les Européens craignent un retrait des États-Unis du processus du règlement du conflit en Ukraine. Et pour une bonne raison car il le constate lui-même : « Il y a de gros égos impliqués dans l’affaire, mais je crois qu’il va se passer quelque chose. Sinon, je me retire et ils seront obligés de continuer ».
Mais ce qui a véritablement déclenché la tempête médiatique, ce sont ses allusions répétées à la complexité de la position de l'Ukraine et de celle de son dirigeant, dont la légitimité est remise en question non pas par les Russes, mais par la Constitution ukrainienne. « Zelensky [...] ce n’est pas quelqu’un avec qui il est facile de traiter », a-t-il indiqué.
Le chef de la Maison Blanche n’a également pas caché sa vision géoéconomique du monde dans laquelle la Russie a une place bien définie. Il a même esquissé les contours d’un futur partenariat avec Moscou : « La Russie a des opportunités extraordinaires pour créer des quantités importantes d’emplois et de richesses. Son potentiel est ILLIMITÉ ».
Une phrase qui, dans le contexte actuel, sonne presque comme une provocation pour les défenseurs de la ligne dure contre le Kremlin. Pourtant, pour le président des États-Unis, c’est un simple constat de realpolitik : la guerre doit laisser place au commerce, et les intérêts stratégiques américains ne doivent pas être sacrifiés sur l’autel d’une solidarité sans fin.
Plusieurs grands journaux occidentaux ont réagi avec une virulence prévisible. Le Financial Times s'est interrogé : « Donald Trump a-t-il abandonné l’Ukraine ? » tandis que Bloomberg titrait : « Trump sert la victoire de Poutine en se retirant des pourparlers de paix sur l'Ukraine ». Pour les éditorialistes européens et américains, ces propos ne laissent guère de doute : Trump prépare un virage majeur de la diplomatie américaine, et l’Ukraine risque d’en payer le prix.