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Capitalisme de surveillance : Meta visé pour son ciblage émotionnel des mineures avec des pubs beauté

Facebook aurait analysé les comportements d’adolescentes, notamment la suppression de selfies, pour leur diffuser des publicités ciblées sur la beauté, révélant une stratégie de monétisation de la détresse émotionnelle, dénoncée dans un livre d’une ex-dirigeante.

Selon les révélations de Sarah Wynn-Williams, ancienne cadre dirigeante chez Facebook (devenu Meta), citées par Futurism, le réseau social aurait mis en place des pratiques de ciblage publicitaire visant spécifiquement les adolescentes en situation de fragilité émotionnelle. Ces stratégies auraient notamment inclus la surveillance des moments où des jeunes filles supprimaient leurs selfies, moment interprété comme un signe de baisse d’estime de soi, afin de leur proposer immédiatement des publicités liées à la beauté.

Dans son ouvrage « Careless People: A Cautionary Tale of Power, Greed, and Lost Idealism » [Les gens imprudents : Une histoire édifiante de pouvoir, de cupidité et d’idéalisme perdu], Wynn-Williams décrit un système sophistiqué de monétisation de la détresse psychologique, mis en œuvre au sein de Facebook dès 2017. Des documents internes évoqués dans le livre révèlent que la plateforme développait alors des méthodes pour exploiter les « moments de vulnérabilité psychologique » chez les adolescents de 13 à 17 ans, notamment à travers des mots-clés tels que « inutile », « anxieuse » ou « stupide ». Ces termes servaient à affiner les profils publicitaires selon des critères émotionnels.

« Pour moi, une telle surveillance et la monétisation du sentiment d’inutilité éprouvé par les adolescents ressemblent à un pas concret vers le futur dystopique contre lequel les critiques de Facebook ont longtemps mis en garde », a estimé Wynn-Williams.

Plus largement, ces pratiques s’inscrivent dans le cadre du « capitalisme de surveillance », un modèle économique basé sur la collecte et l’exploitation des données personnelles à des fins publicitaires. En analysant des données comme l’âge, le comportement en ligne, les préférences culturelles ou encore les traits psychographiques, les plateformes sociales peuvent proposer des publicités ultra-ciblées, générant ainsi des profits considérables : le marché mondial des données personnelles représentait plus de 270 milliards de dollars en 2022.

Malgré les critiques internes de Wynn-Williams et l’indignation suscitée par ces révélations, la direction de Facebook aurait persisté dans cette stratégie. Un responsable du département publicitaire aurait même déclaré : « C’est notre travail, nous en sommes fiers ». « Nous le crions sur tous les toits. C’est ce qui nous rapporte de l’argent », a-t-il également ajouté.

Meta aurait même intenté une action en justice pour contraindre Wynn-Williams à cesser la promotion de son livre. Néanmoins, « Careless People » est rapidement devenu un best-seller, illustrant l’intérêt croissant du public pour les dérives du capitalisme numérique.

Interrogée sur ces accusations, l’entreprise Meta a renvoyé à une déclaration publiée en 2017 affirmant que les données utilisées étaient « anonymisées et agrégées » et que la firme « ne proposait pas d’outils de ciblage basés sur l’état émotionnel ». Pourtant, d’après Sarah Wynn-Williams, un outil destiné à permettre aux annonceurs de réaliser eux-mêmes ce type de ciblage comportemental aurait bel et bien été en cours de développement.