Depuis 2019, le projet « Le Coran européen » (EuQu), financé à hauteur de 9,8 millions d’euros par le Conseil européen de la recherche (ERC), suscite des débats passionnés. Ce programme, qui s’achèvera en 2025, vise à étudier l’influence du Coran sur la culture, la religion et l’histoire intellectuelle européennes entre le XIIe et le XIXe siècle.
Mené par quatre équipes universitaires, dont celle de John Tolan à l’Université de Nantes, il explore comment le texte sacré de l’islam a été traduit, interprété et utilisé par des penseurs chrétiens, juifs ou athées. L’objectif affiché est ambitieux : démontrer que l’islam n’est pas « exogène » à l’Europe, mais fait partie intégrante de son patrimoine.
Un projet qui est loin de faire consensus
Le projet inclut des conférences, une base de données sur les manuscrits coraniques, des expositions à Tunis et Vienne, et un livre grand public, Le Coran européen, prévu pour 2025. Une BD pour jeunes, Safar, l’histoire du Coran en Europe, est également en préparation. Ces initiatives pédagogiques visent à toucher un large public.
Pourtant, ce financement généreux – l’un des plus importants de l’ERC – a déclenché une vague de critiques. Certains responsables politiques, comme Fabrice Leggeri (RN) ou Céline Imart (LR), dénoncent une « réécriture idéologique » de l’histoire européenne, accusant le projet de prosélytisme déguisé en science. La participation de chercheurs comme Naima Afif, traductrice d’écrits des Frères musulmans, alimente les soupçons de parti pris. Sur X, des utilisateurs expriment leur colère, voyant dans cette subvention une « gabegie » ou une menace à l’identité européenne.
Les défenseurs du projet, eux, insistent sur son caractère académique. John Tolan, dans une interview à Euradio, rejette les amalgames avec l’extrémisme, plaidant pour une meilleure compréhension des échanges culturels historiques.
L’ERC, de son côté, défend l’excellence scientifique du programme, rappelant que 17 000 projets ont été financés depuis 2007. Ce débat reflète les tensions autour de l’islam en Europe. Entre recherche savante et instrumentalisation politique, « Le Coran européen » reste un sujet clivant, où chaque mot est scruté.