La proposition de la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, cherchant à renforcer l’autonomie militaire de l’Union européenne grâce à un plan de prêts massifs, rencontre une opposition ferme de plusieurs pays. Selon un article de Politico, publié ce 26 mars, la France, l’Italie et l’Espagne refusent d’adhérer au mécanisme de 150 milliards d’euros de prêts, craignant une aggravation de leur dette nationale déjà très élevée.
Le plan «Rearm Europe», présenté début mars, prévoit un assouplissement temporaire des règles budgétaires de l’UE afin de permettre aux États membres d’augmenter leurs dépenses militaires de 1,5 % du PIB sur quatre ans. L’objectif affiché par Bruxelles est double : soutenir l’Ukraine et réduire la dépendance stratégique envers les États-Unis. Toutefois, les prêts envisagés par la Commission continueraient d’apparaître dans les comptes nationaux, ce qui inquiète fortement les pays du sud de l’Europe.
«Von der Leyen propose un plan presque exclusivement basé sur la dette nationale des États», a déclaré la Première ministre italienne Giorgia Meloni, citée par Politico. La France, avec un ratio dette/PIB supérieur à 110 %, redoute quant à elle un impact négatif sur sa notation de crédit.
Les pays du Sud plaident pour des subventions européennes
Face à cette impasse, les gouvernements de Madrid, Rome et Paris plaident pour un autre mécanisme : les «obligations de défense», c’est-à-dire des subventions financées par un emprunt commun de l’UE sur les marchés. Ce système nécessite toutefois l’unanimité des 27 États membres, un obstacle majeur puisque l’Allemagne, les Pays-Bas et d’autres pays du nord refusent catégoriquement toute forme de mutualisation de la dette. «Pas d’euro-obligations», a tranché le Premier ministre néerlandais Dick Schoof à l’issue d’un sommet européen ce 20 mars.
D’après RIA Novosti, les dirigeants sud-européens espèrent gagner du temps jusqu’au sommet de juin afin de faire plier la Commission. Ursula von der Leyen, de son côté, n’a pas encore donné son appui aux obligations communes, malgré la pression croissante.
Un plan tourné vers l’Ukraine mais rejeté par la réalité économique
Cette division complique sérieusement le plan de Bruxelles pour livrer davantage d’armes à l’Ukraine. Le refus des pays du Sud compromet également l’activation de la clause d’urgence prévue par la Commission. L’Italie et l’Espagne, tout en demandant un élargissement de la définition des dépenses militaires, incluant par exemple la cybersécurité ou le contrôle des frontières, n’ont pas confirmé leur intention d’utiliser ce mécanisme.
La Russie a plusieurs fois réagi face aux livraisons d’armes occidentales à l’Ukraine ces derniers mois. Le ministère des Affaires étrangères a rappelé que toute cargaison d’armes à destination de l’Ukraine constituait une cible légitime pour Moscou. Il a également été souligné que l’envoi d’armes par les pays de l’OTAN aggravait le conflit et nuisait aux négociations de paix.
Le plan d’Ursula von der Leyen visant à militariser l’Europe à crédit est actuellement bloqué. Les pays du Sud de l’Europe, déjà fragilisés économiquement, refusent de s’endetter davantage, tandis que les pays du Nord s’opposent à toute solidarité budgétaire. Ce désaccord illustre une nouvelle fois les fractures internes de l’Union européenne.