Le tribunal de Dar El Beida, près d’Alger, a requis ce 20 mars une peine de dix ans de prison ferme contre l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal, accusé d’atteinte à l’intégrité territoriale de l’Algérie. Arrêté à son arrivée à l’aéroport d’Alger le 16 novembre 2024, il est poursuivi en vertu de l’article 87 bis du code pénal, qui qualifie d'acte terroriste ou subversif «tout acte visant la sûreté de l’État, l’intégrité du territoire, la stabilité et le fonctionnement normal des institutions», selon France24.
Son procès, qui s’est tenu en une seule audience, a été marqué par l’absence de toute défense, Boualem Sansal ayant choisi de l’assurer lui-même, après avoir renvoyé ses avocats, dont Me François Zimeray. D’après le journal arabophone Echorouk, il a déclaré être un «Algérien patriote» et a nié toute volonté de porter atteinte à son pays, tout en reconnaissant qu’il n’avait pas mesuré l’impact de certaines de ses déclarations.
Des accusations liées à des propos controversés
L’affaire repose sur des déclarations faites en octobre 2024 au média français Frontières, connu pour ses positions marquées, dans lesquelles l’écrivain aurait évoqué les frontières entre l’Algérie et le Maroc. D’après Le Monde, ces propos ont été interprétés comme une remise en cause des frontières actuelles, reprenant la position du Maroc, qui affirme que certaines régions de l’ouest algérien lui appartenaient avant la colonisation française.
Selon Jeune Afrique, les enquêteurs auraient également découvert dans ses appareils électroniques des contenus considérés comme portant atteinte aux institutions algériennes. En conséquence, l’écrivain est poursuivi sous plusieurs chefs d’accusation, dont «atteinte à l’unité nationale», «outrage à corps constitué», «pratiques de nature à nuire à l’économie nationale» et «détention de vidéos et de publications menaçant la sécurité et la stabilité du pays».
Un dossier au cœur des tensions entre Alger et Paris
L’affaire Boualem Sansal s’inscrit dans un contexte de dégradation des relations diplomatiques entre Alger et Paris. Les tensions entre les deux pays se sont intensifiées après que la France a reconnu en juillet 2024 la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental, une décision qui a suscité la colère d’Alger. Depuis, l’Algérie a rappelé son ambassadeur en France et menace de nouvelles représailles.
Le gouvernement français et plusieurs intellectuels ont exprimé leur préoccupation face à l’incarcération prolongée de Boualem Sansal, notamment en raison de son état de santé. Son avocat, Me François Zimeray, a saisi les Nations unies pour dénoncer ce qu’il qualifie de «détention arbitraire». Toutefois, selon le bâtonnier d’Alger Mohamed Baghdadi, l’écrivain bénéficie bien de soins médicaux et suit son traitement contre le cancer.
D’après Courrier International, le traitement rapide du dossier pourrait indiquer une volonté des autorités algériennes de clore l’affaire sans en faire un symbole de confrontation avec Paris. Certains analystes évoquent la possibilité d’une grâce présidentielle, notamment lors des célébrations de l’indépendance le 5 juillet. Cependant, une condamnation semble inévitable, selon les observateurs cités par Jeune Afrique.
Le 27 mars, le verdict du procès Boualem Sansal sera scruté de près, tant en Algérie qu’en France.