«C'est devenu une habitude. A chaque fois qu'on parle de revenir à la table des négociations, les talibans lancent des offensives d'envergure», explique l'expert militaire Atiqullah Amarkhil, basé à Kaboul.
«Soit ils veulent faire capoter les efforts visant à relancer les négociations, soit ils essaient d'obtenir d'importantes concessions avant de s'assoir à la table des négociations», poursuit-il.
L'attaque est une véritable humiliation pour les soldats afghans, censés reprendre le flambeau de la sécurité après le départ d'une grande partie des troupes occidentales. Depuis hier, ils ne parviennent toujours pas à reprendre le dessus sur les talibans qui ont pris d'assaut l'aéroport de Kandahar. Pendant ce temps, le bilan continue de s'alourdir.
Les talibans ont revendiqué l'attaque, lancée après plusieurs jours de conjectures sur le sort de leur chef, Akhtar Mansour, grièvement blessé selon plusieurs sources après une querelle interne qui aurait dégénéré.
Le gigantesque complexe aéroportuaire abrite, outre une zone résidentielle civile, une base conjointe de l'Otan et des troupes afghanes.
Des habitants ont dit avoir entendu des soldats implorant les insurgés de laisser partir femmes et enfants pendant que les combats faisaient rage.
Ce n'est pas la première fois que les talibans s'en prennent à ce type d'infrastructure : en juillet 2014, les insurgés avaient également pris d'assaut au lance-roquettes et à la Kalachnikov l'aéroport de Kaboul, la capitale du pays, avant d'être éliminés.
Cette fois, Kandahar n'a sans doute pas été choisie au hasard par les talibans : carrefour stratégique au sud de l'Afghanistan et troisième ville du pays, Kandahar est surtout la capitale symbolique du «Pachtounistan», une zone à cheval sur le Pakistan et l'Afghanistan peuplée majoritairement de Pachtounes, ethnie des talibans, et que ces derniers considèrent comme leur territoire, faisant fi de la ligne Durand qui marque la frontière entre Pakistan et Afghanistan.
Peuple guerrier, les Pachtounes afghans et pakistanais revendiquent régulièrement leurs volontés sécessionnistes, et ont souvent recours au terrorisme pour en notifier l'Etat Afghan et Pakistanais dont ils refusent le joug.
Pourparlers
L'assaut de l'aéroport de Kandahar intervient alors que le président afghan Ashraf Ghani est arrivé à Islamabad mercredi avec l'espoir de relancer les pourparlers de paix avec les talibans.
Accueilli par le premier ministre pakistanais Nawaz Sharif, Ghani doit participer à un sommet régional pour combattre l'extrémisme armé dans la région.
Il a appelé à «une paix durable et juste, dans le cadre de laquelle tous les mouvements armés deviennent des partis et participent de façon légitime au processus politique».
«Le terrorisme et l'extrémisme sont notre ennemi commun», a assuré de son côté Nawaz Sharif, soulignant la menace représentée par l'organisation Etat islamique dans ces deux pays.
«Les ennemis de l'Afghanistan sont les ennemis du Pakistan», a-t-il martelé.
Leur rencontre est considérée comme un signe fort, alors que toutes les parties cherchent à relancer les pourparlers de paix sous l'égide de l'armée pakistanaise, qui exerce de longue date une considérable influence sur les talibans.
Les relations entre Kaboul et Islamabad sont particulièrement mauvaises depuis l'échec des négociations entre le gouvernement afghan et les talibans, organisées en juillet au Pakistan, et qui ont tourné court avec l'annonce de la mort du mollah Omar, le chef historique des insurgés.
Ashraf Ghani avait ensuite accusé le Pakistan d'être impliqué dans la vague d'offensives talibanes en Afghanistan.
Les talibans ont en effet poursuivi leur offensive contre des cibles gouvernementales et étrangères en dépit de l'arrivée de l'hiver, saison rude où les combats s’apaisent habituellement en Afghanistan.
Les insurgés ont enregistré des avancées ces derniers mois, conquérant brièvement fin septembre la capitale provinciale de Kunduz, leur plus importante victoire depuis qu'il ont été chassés du pouvoir en 2001.
Outre la violence, les profondes divisions au sein de leur mouvement risquent de compliquer une reprise des pourparlers.