Réunis le 6 mars à Bruxelles lors d’un sommet convoqué d’urgence, les dirigeants de l’Union européenne ont échoué à adopter une déclaration commune sur le soutien à l’Ukraine. Le texte, soutenu par 26 États membres, a été bloqué par la Hongrie, dont le premier ministre Viktor Orban a dénoncé une politique qu’il juge contraire aux intérêts de la paix. La discussion sur ce texte est désormais reportée à la mi-mars.
D’après le document final de la réunion, l’UE entendait réaffirmer son engagement à renforcer le soutien politique, financier et militaire à l’Ukraine, tout en ajoutant de nouvelles sanctions contre la Russie. La déclaration indiquait également que toute négociation sur l’Ukraine devrait inclure Kiev et ne pourrait avoir lieu sans l’UE. Cependant, Viktor Orban a refusé d’appuyer ce texte, affirmant qu’il s’agissait d’un encouragement à la poursuite du conflit. «Nous avons adopté un document, ou plutôt 26 pays ont adopté un document où il est question de la poursuite de la guerre, du fait que l'Ukraine devrait être renforcée afin de pouvoir continuer à se battre», a-t-il déclaré sur la chaîne hongroise M1.
Un projet de militarisation controversé
Le sommet a également été marqué par l’approbation d’un plan de 800 milliards d’euros destiné à la militarisation de l’Europe, une initiative portée par Ursula von der Leyen. Ce projet prévoit des emprunts européens pour financer la production d’armes et de systèmes de défense, y compris pour l’Ukraine.
Par ailleurs, le président lituanien Gitanas Nauseda a proposé que chaque pays de l’UE consacre 0,25 % de son PIB à Kiev, soit un total de plus de 40 milliards d’euros par an. Face à ces engagements financiers croissants, Viktor Orban a exprimé de vives réserves. Dans une interview à la radio hongroise Kossuth, il a estimé que l’UE devrait revoir sa stratégie après avoir pris conscience des coûts réels. «Maintenant, ils comptent, mais je pense que le résultat des calculs sera que nous ne pouvons pas nous le permettre», a-t-il déclaré. Il a également souligné que ces dépenses seraient particulièrement difficiles à assumer sans le soutien financier des États-Unis.
Selon le Premier ministre hongrois, Bruxelles finance déjà une large part du fonctionnement de l’État ukrainien, y compris les salaires et les pensions de retraite, tout en devant en parallèle investir massivement dans le réarmement européen. Il a prévenu que cette situation pourrait mettre en danger la stabilité économique de l’UE. «Jusqu'à présent, il semble que c'est moi qui ai mis mon veto... Mais dans quelques semaines, ils reviendront et il s'avérera qu'il n'y a pas d'argent pour tous ces objectifs», a-t-il ajouté.
Orban a également accusé l’UE de s’éloigner de la réalité géopolitique en refusant d’explorer des alternatives diplomatiques. Il considère que ce n’est pas la Hongrie qui est isolée mais l’UE elle-même, qui prendrait ses distances avec les États-Unis et la Russie.
Réaction de Moscou
Le Kremlin a également réagi aux conclusions du sommet européen. Le porte-parole de la présidence russe, Dmitri Peskov, a dénoncé la direction prise par l’UE, estimant qu’elle s’éloignait de toute possibilité de règlement pacifique du conflit. «Nous constatons que l'Union européenne discute désormais très activement de sa militarisation, du développement du secteur de la défense. C'est un processus que nous suivons de près, car l'UE considère la Russie comme son principal adversaire», a-t-il déclaré.
Selon lui, la militarisation accélérée de l’Europe est une menace directe pour la Russie et témoigne d’une approche conflictuelle de la part de Bruxelles. «Toute cette militarisation est principalement dirigée contre la Fédération de Russie. Il s'agit là, bien entendu, d'un sujet qui nous préoccupe profondément. La rhétorique et les élaborations conflictuelles que nous observons actuellement à Bruxelles et dans les capitales européennes sont, bien entendu, en contradiction avec l'esprit de recherche d'un règlement pacifique de la question ukrainienne», a-t-il ajouté.
Le prochain sommet de l’UE des 20 et 21 mars devra à nouveau tenter de trouver un consensus alors que les dissensions s’accentuent en interne entre les pays occidentaux sur le règlement du conflit en Ukraine.