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Le guide complet de l'arsenal de Daesh

Un rapport d'Amnesty International montre que Daesh possède des armes venant de plus de 25 pays. L'organisation terroriste a dérobé de nombreuses armes vendues à l'Irak et à la Syrie pour obtenir de quoi équiper une véritable armée.

Sur chaque vidéo de propagande, cela saute aux yeux et impressionne. Les membres de l’Etat islamique (EI) sont lourdement armés. Armes de combat, armes anti-aériennes, tanks, armes anti-chars... Clairement, les membres de Daesh n’ont rien à envier à certaines armées. Amnesty International s’est penchée, dans un rapport publié aujourd’hui, sur la provenance de ces armes car en quelques mois, les combattants de Daesh ont réussi à transformer un mouvement terroriste en une armée capable de mettre à mal la solide armée syrienne ou la jeune armée irakienne. D’ailleurs, trois divisions d'une armée conventionnelle (40 000 à 50 000 soldats) auraient pu être équipées par l’EI avec les armes qu'il a saisies durant le seul mois de juin 2014.

Les terroristes n'ont eu qu'à se servir sur place, en Irak et en Syrie, où les stocks sont énormes. Sadam Hussein était un important acheteur d’armes et, selon Amnesty, 12% du marché mondial de l’armement était ainsi exporté vers l’Irak dans les années 1980. La France avait aussi vendu des nombreuses armes au pays à la fin des années 1970, rappelle l'ONG.

Après l’invasion américaine de 2003, les Etats-Unis auraient aussi envoyé de nombreuses armes en Irak : 9,5 millards de dollars auraient ainsi été dépensés par l’Irak en armes au cours de la dernière décénie. «L'armement immense et varié qu'utilise le groupe armé illustre combien le commerce irresponsable des armes alimente les atrocités à grande échelle», affirme ainsi Patrick Wilcken, chercheur pour Amnesty.

Car toutes ces armes sont aujourd’hui aux mains de Daesh. Ce qui donne, selon le rapport d’Amnesty international, un armement pour le moins hétéroclite. L’ONG a ainsi recensé «plus de 100 armes et munitions différentes venant d’au moins 25 pays». Les armes fabriquées à l'étranger que l'EI a saisies en s'emparant de la ville de Mossoul en juin 2014 ont d’ailleurs été utilisées pour conquérir d'autres territoires, ce qui a permis à Daesh de s’emparer de nouvelles armes en prenant le contrôle en Irak de bases de l'armée et de la police à Fallouja, Saqlawiya et Ramadi (ouest), Tikrit (nord) ainsi qu'en Syrie. D’ailleurs, les opérations lancées par les forces gouvernementales pour reprendre Ramadi, chef-lieu de la province d'Al-Anbar, ont ainsi été entravées par les «plus de 100 véhicules de combat blindés, y compris des chars» dont l'EI s'était emparé, rapporte Amnesty.

Aujourd’hui, et Amnesty a regardé des heures de vidéos pour arriver à cette conclusion, l’arme la plus courante chez les djihadistes est de fabrication russe. Il s’agit du fameux AK47, le fusil d'assaut le plus vendu dans le monde. Il a même parfois été achetés par les Etats-Unis pour armer les rebelles. «Depuis 2001, les Etats-Unis sont devenus l’un des plus gros acheteurs de kalashnikovs», affirme ainsi Amnesty qui explique que ces armes étaient données aux soutiens américains en Afghanistan ou en Irak. 

Mais les «petites» armes de Daesh ne sont pas toutes russes et sont originaires de nombreux pays. Amnesty a noté que les djihadistes combattent avec des fusils Tabuk de fabrication irakienne, Bushmaster E2S de fabrication américaine, CQ chinois, G36 allemand ou FAL belge. De nombreux M16 américains destinés à l’armée irakienne sont aussi tombés entre ses mains, tout comme un stock très important de fusils russes Dragunov SVD.

Mais le groupe terroriste ne se contente plus de fusils d’assaut ou d’armes de poing. Des armes anti-chars RPG-7, de fabrication russe, sont aussi massivement utilisées. Plus récentes encore, des armes anti-chars américaines à missiles guidés sont aujourd’hui aux mains des djihadistes. Des BGM-71 TOW américains ont ainsi souvent été remarqués sur le champ de bataille (voir vidéo ci-dessous : des rebelles syriens avec un BGM américain abattent un hélicoptère russe), ainsi que des 9K135 Kornet ATGW de fabrication russe.

Aujourd’hui, selon Amnesty, Daesh pourrait aussi être en possession de 650 000 tonnes de munitions et de bombes qui auraient été mal sécurisés après l’invasion américaine en 2003. Daesh aurait ainsi récupéré de grandes quantités de mortier : des 82-PM-41 et 82-BM-37 de fabrication soviétique, mais aussi des bombes chinoises de Type 59-1, largement utilisées par l’armée irakienne entre 1980 et 1988 dans la guerre contre l’Iran. Des missiles Milan, de fabrication franco-allemande ont aussi été repéré par Amnesty.

Plus spectaculaire encore, le groupe terroriste est parvenu, grâce à ses victoires successives, à faire main basse sur des chars. Selon Amnesty, la majorité des véhicules utilisés par Daesh seraient des T-54/T-55 et des T-62 soviétiques dérobés à l’armée de Bachar el-Assad. Des chars chinois Type 69-II et des chars Abrams américains seraient aussi en leur possession.

Face à ce constat, Amnesty International ne se montre pas tendre à l’égard des pays exportateurs, dont les cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU. L’ONG estime ainsi que ces pays étaient bien conscients du risque de transferts d'armes en Irak, où la corruption est endémique et les mécanismes de contrôle très faibles. «Les conséquences des transferts irresponsables d'armes en Irak et en Syrie et leur saisie par l'EI doivent être un signal d'alarme pour les exportateurs d'armes à travers le monde», estime ainsi Patrick Wilcken.

Amnesty appelle donc à un embargo total sur les livraisons d’armes en Syrie. L’ONG estime que livrer des armes à l’armée de Bachar el-Assad ou aux rebelles syriens ferait courir le risque que ces dernières terminent dans les mains de Daesh. «Dans son empressement à détruire le groupe armé Etat islamique l'administration Obama ne doit pas piétiner ses obligations internationales», affirme ainsi Sunjeev Bery responsable d'Amnesty International pour le Moyen-Orient. «Cela risquerait d’ouvrir les vannes et de mettre plus d’armes dans les mains de groupes armées soupçonnés d’avoir commis de graves crimes».